SENS

Jean-Claude SEGUIN

Sens, ville du département de l'Yonne (France), compte 14.000 habitants (1894).

1896

Le cinographoscope des frères Pipon (Rond-point de la place de l'Esplanade, 20-30 septembre 1896)

Le cinographoscope des frères Pipon s'installe sur la palce de l'Esplanade en septembre:

Le Synographoscope.- Depuis dimanche, est installé sur le rond-point de l'Esplanade un confortable chalet dans lequel au moyen d'un appareil de leur invention, MM. Pipon et Pressecq offrent au public le merveilleux spectacle de photographies animées, grandeur naturelle, par projection à la lumière électrique. C'est, suivant l'expression d'un admirateur, la vie réelle intense donnée à un tableau. Les personnages se meuvent et se détachent avec un tel relief et une netteté si parfaite que le spectateur peut saisir jusqu'à l'expression du visage. Aussi MM. Pipon et Pressecq obtiennent un immense et légitime succès. Les séances se succèdent tous les soirs de 8h à 11 h et les dimanches et jeudis en matinée de 3h à 6h. Dix tableaux sont présentés au public à chaque séance. Prix des places: premières 1f., secondes 50 c.


L'avenir de l'Yonne, Sens, 26 septembre 1896.

 Un nouvel article offre une description détaillée des vues présentées:

Ami lecteur, êtes-vous allé voir le Synographoscope ? Si oui, vous avez dû être surpris, émerveillé, et vous devez éprouver le désir de le revoir encore. Si non, vous avez eu tort et je vous engage à lui faire visite. Le spectacle qui vous sera offert est vraiment intéressant, que dis-je, surprenant. S'il était accordé à nos aïeux la permission de venir faire un tour parmi nous et d'y demeurer seulement quelques jours, je suis persuadé qu'ils s'empresseraient de faire brûler vif, comme sorcier, l'aimable directeur du Synographoscope. En effet, cela ne tient-il pas un peu de la sorcellerie, pour qui ne possède aucune notion des progrès réalisés depuis quelques années dans le domaine de la photographie, de voir non seulement s'animer le tableau exposé aux regards, mais encore d'y voir apparaître - comme si un instant auparavant ils eussent été dissimulés derrière le châssis - d'innombrables personnages qui vont, viennent, se coudoient, gesticulent, travaillent, rient et causent, en un mot semblent exister comme vous et moi. Et cependant cela est, et se produit sans nulle sorcellerie, par le seul effet de combinaisons ingénieusement appliquées et là-dessus, comme sur toute autre chose, la science n'a pas dit encore son dernier mot. Ah ! nous allons vite ! qui sait ce qui sera fait demain ? à une merveille succède une autre merveille. En attendant, le Synographoscope est la plus attrayante des curiosités du moment. C'est l'image rendue vivante, l'illusion est complète. Tous les tableaux sont du plus parfait réalisme. Dans la "Baignade des Soudanais", on voit ceux-ci se jeter simultanément dans le bassin, plonger, nager, se relever, plonger encore ; l'eau violemment agitée jaillit en mousse légère et ruisselle sur le sombre épiderme des baigneurs. "Au fourrage" nous montre des cavaliers en tenue de corvée chargeant la botte à coco, défilant par groupes, courbés sous le faix, se hâtant de regagner l'écurie pour être plus tôt débarrassés de leur fardeau; dans le coin du tableau, une fourragère d'où descend le conducteur en nouant ses guides pendant que les chevaux agitent joyeusement la tête et paraissent se communiquer leur satisfaction. L'"Arrivée d'un train" : les allées et venues des voyageurs à la recherche d'une place tenant leurs paquets et leur valise à la main est d'une exactitude saisissante. La "Place de l'Opéra" donne l'idée exacte de ce qu'est l'animation qui règne dans les grandes artères parisiennes ; une foule compacte courant à ses plaisirs ou à ses affaires, des véhicules nombreux : fiacres, omnibus, voitures de maîtres, tramways, voitures réclamées, etc., jusqu'à des cyclistes, tout cela a une apparence si naturelle que le spectateur empoigné croit lui-même faire partie de cette foule. Il y a comme cela 10 tableaux aussi intéressants, aussi mouvementés, aussi exacts. Ce qui explique le succès dont jouit à bon droit ce nouveau genre de spectacle, succès qui n'est pas près de s'épuiser. Allez voir cela, ami lecteur, et vous ne regretterez pas le temps que vous y passerez, j'en suis certain. 
Un Spectateur.


L'Avenir de l'Yonne, Sens, 30 septembre 1896.

Un autre journal évoque les séances du cynographoscope:

Le cinographoscope. Un curieux appareil est installé en ce moment sur la place de l'Esplanade. C'est une des plus récentes et des plus attrayantes productions que l'étude des phénomènes optiques ait permis à l'esprit d'enfanter. Avec une merveilleuse exactitude, on est parvenu dans cet appareil à rendre l'illusion complète de la réalité et de la vie au moyen d'un très grand nombre d'instantanés pris sur nature et repassant ensuite dans le champ de l'instrument avec une vitesse convenable. L'attrait de ce spectacle tout nouveau fait qu'on ne saurait mieux employer sa soirée qu'en allant s'en rendre compte par soi-même.


Le Courrier de l'Yonne, Sens, 30 septembre 1896.

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