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Il s'agissait d'un liquide destiné à faire repousser les cheveux. J'avais naturellement représenté une boutique de coiffeur et c'est moi-même qui jouais le rôle du patient chauve dont il fallait regarnir le crâne. J'étais déjà tout à fait chauve ; je le suis toujours. Cependant, dans cette vue, un coiffeur d'allure comique m'avait copieusement arrosé le cuir chevelu de son produit merveilleux. Sous ses frictions énergiques, on voyait mes cheveux pousser à vue d'œil, ainsi que ma barbe; bientôt les poils s'allongeaient tellement qu'ils en arrivaient à toucher terre. Je me levais et, m'empêtrant dans cette forêt pileuse, je trébuchais et tombais en avant, les deux mains plongeant dans une cuvette contenant le mystérieux liquide. Lorsque je retirais mes mains de la cuvette, elles se trouvaient, elles aussi, couvertes d'une épaisse toison de poils. Bref, j'étais horrible, un véritable orang-outang, et tout le monde de rire. Pour finir, une réclame en lettres disait : "Repousse certaine et instantanée, comme vous venez de voir, mais en vous conformant strictement à notre prospectus vous éviterez une pousse exagérée comme celle que nous venons de vous montrer ! - Heureusement ! s'écriaient les spectateurs, en éclatant de rire. Ce film fut un des plus appréciés, mais ce n'est pas toujours tout rose de faire des films-réclames. Un mois après que j'eus fait cette vue, un énergumène se présenta à mon magasin du passage de l'Opéra, et se mit à m'injurier. "Monsieur, disait-il, c'est vous qui faites de la réclame pour cette lotion à faire repousser les cheveux ? J'en ai essayé, vous êtes un imposteur, un fumiste et je dirai même un escroc.
- Ah ! mais, dites donc, vous !
- Parfaitement, monsieur, c'est de l'escroquerie ! Voyez, mes cheveux n'ont pas repoussé !
- Mais ... les miens non plus, monsieur !
"Méliès Créateur du film de publicité 1896-1900" dans BESSY Maurice et LO DUCA, Georges Méliès Mage, Paris, Prisma, 1945, p. 136.
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