Lucien NONGUET

(Poitiers, 1869-Fay-aux-loges, 1955) 

nonguet

Les Débuts de Max au cinéma (1910)

Jean-Claude SEGUIN

 

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Josué Nonguet (1831-1881) et Louise, Elisa Barbier. Descendance :

  • Lucien, Henri Nonguet (Poitiers, 09/05/1869-Fay-aux-loges, 22/06/1955)

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Les origines (1869-1897)

Déjà installé à Paris, il est journalier avant d'effectuer son service militaire (1890-1893) au 94e régiment d'infanterie où il figure comme moniteur d'escrime. Il semble d'ailleurs avoir dirigé une salle peu après : 

Un professeur désirant se retirer céderait sa salle, située sur les grands boulevards.
S'adresser, pour tous les renseignements, à M. Lucien Nonguet, ex-second maître au 94e de ligne, 44, rue Charlot, de 11 heures à 1 heure.


La Cocarde, Paris, dimanche 11 février 1894, p. 2.

Il doit à son père, artiste dramatique, le goût du théâtre. Il se retrouve chef de figuration dans les scènes parisiennes dont l'Ambigu (1896-1898).

Le cinématographe (1898-1902)

En 1898, Lucien Nonguet, probablement contacté par Alexandre Promio, va envoyer plusieurs acteurs sur le tournage de La PassionL'un d'eux est Jean Liezer  qui participe à sa manière au tournage de cette série :

Tenez ! Un  jour, Lucien Nonguet, chef de la figuration à l'Ambigu, me demande : "Liézer, aujourd'hui, on a du soleil, il faudrait faire quelque chose de bien ; vous n'avez pas une idée pour emmployer le plus de monde possible ?" Je réfléchis un instant, et lui proposai de réaliser quelques scènes de la Passion. L'idée fut adoptée sur-le-champ et l'on se mit à tourner.


EMMANUEL, 1931: 3.

En 1900, il assiste M. Dermez pour une fête nautique donnée, le 11 octobre 1900, à l'Exposition Universelle.

Alors qu'il est à l'Ambigu, Lucien Nonguet est sollicité, en 1902, par le directeur du théâtre pour tourner quelques scènes du Juif errant. Le roman d'Eugène Sue (1844-1845) inspire, dès 1845, une pièce à Adolphe Dennery, qui connaît un grand succès et qui est représentée à de multiples reprises. La nouveauté, en 1902, c'est le projet qui consiste à utiliser le cinématographe comme adjuvant du spectacle théâtral. Afin de tourner les scènes cinématographiques, Lucien Nonguet s'adresse à Charles Pathé :

Lucien Nonguet était à l'Ambigu lorsqu'un jour de 1908 [sic], le directeur de cet établissement décida de combiner théâtre et cinéma dans Le Juif errant. Il interpréta ainsi chez Pathé la partie utile de la pièce et se lia d'amitié avec Charles Pathé, qui peu de temps après en fit son général-manager. Il remplit à la fois les fonctions de metteur en scène, artiste, scénariste, etc.


Guillaume-Michel Coissac, Histoire du Cinématographe des origines jusqu'à nos jours, Paris, Cineopse/Gauthier-Villars, 1925, p. 401.

La presse a conservé les traces de cette représentation originale où le cinématographe participe de la mise en scène et qui marque les débuts de Lucien Nonguet dans le monde du 7e art :

Le Cinématographe qui charme les spectateurs du Juif Errant, à l'Ambigu, a cette supériorité sur tous les spectacles similaires, de représenter les personnages avec lesquels on s'est familiarisé toute la soirée et qui parfaitement reconnaissables sur la toile donnent l'illusion complète de la réalité.
Ce clou de la belle pièce d'Eugène Sue et d'Ennery fait du Juif Errant, un spectacle non seulement pour les grandes personnes, mais aussi pour les enfants qui viennent en bande en matinée du dimanche, à l'Ambigu.


Gil Blas, Paris, 13 décembre 1902, p. 4.

Si on lui attribue parfois la codirection, avec Ferdinand Zecca, de Quo Vadis ? (1901) et de La Belle au bois dormant (1902), on peut penser que sa réelle collaboration chez Pathé ne date que de 1903. De fait, il est encore chef comparse, en 1903, au Châtelet et l'Ambigu.

Les années Pathé (1903-[1911])

C'est donc dans les mois suivants que Lucien Nonguet va quitter l'Ambigu pour la maison Pathé, où il est chargé de recruter des actrices et des acteurs pour interpréter des rôles dans les productions Pathé. L'un d'eux Fernand Rivers évoque, dans ses mémoires, sa rencontre avec Nonguet : 

NAISSANCE DU CINÉMA
Cette invention formidable qui allait bouleverser le monde, faisait ses premiers pas en France.
Lucien Nonguet le chef figurant de l'Ambigu et de la Porte Saint-Martin, était chargé par Zecca, le cerveau artistique de la maison Charles Pathé, de recruter des acteurs, et de mettre en scène des petites saynètes d'une centaine de mètres, et je fus ainsi l'un des dix premiers acteurs de cinéma.
Pendant plusieurs mois, je fus le jeune premier de Cinéma, non pas idéal, mais recherché, grâce à mon habit acheté 20 francs au carreau du Temple, et à  mon chapeau haut de forme.


Fernand Rivers, Au milieu des étoiles, Les Films Fernand Rivers, 1957, p. 26.

L'acteur Jacques Normand est également recruté par Lucien Nonguet. Edmond Boutillon, une figure connue des premiers temps du cinématographe, raconte comme Nonguet vient le chercher pour remplacer au pied lévé un acteur souffrant :

- Quand a commencé votre carrière d'impresario ?
- En 1904. Et de singulière façon. Établi négociant en vins à Vincennes, je ne connaissais, en fait de cinéma, que la salle voisine de la Porte Saint-Denis et celle des magasins Dufayel. Aussi fus-je bien étonné lorsqu'un de mes clients, M. Lucien Nonguet, qui était metteur en scène chez Pathé, me fit un matin de 1904 la proposition suivante : "Voudriez-vous tenir le rôle de Gessler dans le Guillaume Tell que nous tournons actuellement ? Vous avez la barbe et la stature du personnage ; l'acteur qui devait l'incarner est souffrant et vous nous obligeriez en prenant sa place." Qu'on juge de mon étonnement ! J'acceptai cependant non sans avoir fait toutes réserves sur mes qualités d'acteur. Ce premier rôle me demanda trois demi-journées de travail (le film mesurait exactement 145 mètres). La photo que voici me montre mourant sous les flèches du héros suisse, dans les bras de Louis Gasnier, devenu metteur en scène, mais qui faisait alors de la figuration. 


EPRON Madeleine, "Du cinéma forain à l'exploitation régulière. Souvenirs de M. Edmond Boutillon", La Cinématographie française, numéro spécial "Hommage de la cinématographie française. Louis Lumière. Quarante ans de cinéma 1895-1935", novembre 1935, p. 55-57.

George Monca va également avoir affaire avec Lucien Nonguet qu'il recrute aussi pour Pathé :

Ayant vu C'est papa..., Lucien Nonguet engagea Monca chez Pathé. Pendant trois ans, celui-ci partagea son temps entre le studio et les planches. Il tournait indistinctement les rôles de premier plan et les "pannes".


AMBRIÈRE, 1932: 12.

Georges Hatot, avec son franc parler dresse un portrait contrasté de Lucien Nonguet :

M. LANGLOIS : Nonguet qu'est-ce que c'était ?
M. HATOT : C'était un garçon qui était chef de figuration au Châtelet et à l'Ambigu. Il est rentré là pour fournitures personnelles chez Pathé. Comme c'était un débrouillard et un homme travailleur et énergique - c'était Breteau qui mettait en scène - il a trouvé le moyen de dégommer Breteau, de prendre Breteau comme acteur et comme régisseur et lui a pris la place en 1901, aidé par Zecca. Il y avait comme gens qui s'appelaient metteurs en scène : Heilbron, Chaumont. Chaumont travaillait lui-même.
[...]
M. HATOT. Zecca et Nonguet collaboraient. Nonguet avec une très grande énergie. C'était un très gros travailleurs. Mais c'était un ignare. Je vais vous citer un fait. Ils ont fait " une Passion " en 1906. J'ai bien ri quand j'ai vu la projection. L'atelier de charpentier de St Joseph. Il y avait une varlope. L'établi de menuisier. Il se servait d'une varlope, une scie de nos jours. Ils étaient aussi calés l'un que l'autre.


Cinémathèque Française, Les Débuts du Cinéma, Souvenirs de M. Hatot, 15 mars 1948, p. 26-27 et 30.

 Au nombre des acteurs qu'il recrute pour Pathé, le plus célèbre est bien entendu Max Linder

Max Linder, le comique aristocratique, aux merveilleuses expressions de physionomie, aux airs à la fois narquois et bon enfant, venait d'être engagé aux Variétés lorsqu'il fit la connaissance de Lucien Nonguet, qui lui proposa de faire du cinéma. C'était en 1905. Avec l'ardeur juvénile de ses vingt ans, il se présenta un matin à Vincennes, où M. Charles Pathé lui offrit 20 francs par cachet.


Guillaume-Michel Coissac, Histoire du Cinématographe des origines jusqu'à nos jours, Paris, Cineopse/Gauthier-Villars, 1925, 415.

On lui doit un nombre important de films. Il tourne ainsi des scènes historiques, des actualités reconstituées, etc. pour le compte de la maison Pathé. Entre autres films, Assassinat du grand duc Serge ou Guillaume Tell. Il est également appelé pour mettre en scène une reconstitution selon les estampes du temps, de l'entrée de Louis XIV et de Marie-Thérèse d'Autriche au château de Vincennes, le 21 mai 1905. Par ailleurs, il figure, avec Ferdinand Zecca, comme témoin du mariage de Louis Gasnier, en 1907. Occasionnellement, il apparaît dans le film Les Débuts de Max au Cinéma (Louis Gasnier, 1910).

L'aventure italienne (1912)

En 1912, Lucien Nonguet et son épouse intègrent le personnel artistique de la Itala-Film:

Mr. Lucien Nouguet [sic], antico direttore artistico e metteur en scène della Casa Pathé, è stato assunto dalla Itala-Film assieme alla sua signora, ottima attrice comica. La grande Casa torinese acquistò cosi altri due buonissimi elementi da aggiungere alla sua falange artistica di prim'ordine, perchè il Lucien è specializzato nella messa in scena di lavori grandiosi e di gran movimento di masse.


La vita cinematografica, Turin, 29 février 1912, p. 10.

Quelques mois plus tard, il passe à l'Aquila Film:

Il sig. Lucien Nouguet [sic], finora metteur en scène dell'Italia Film passa all'Aquila Film.


La vita cinematografica, Turin, 15 mai 1912, p. 15.

Retour chez Pathé ([1913]-1919) et exploitant de salle de cinéma

De retour d'Italie, il Il continue à travailler pour Pathé jusqu'en 1919. En outre, il s'occupe de l'exploitation d'établissements cinématographiques à Paris. Il rachète ainsi à Edmond Boutillon l'Alhambra de Saint-Ouen :

La main passe.
M. Edmond Boutillon, directeur du Cinéma l'Alhambra de Saint-Ouen, 5, rue des Rosiers, vient de vendre cet établissement à M. Lucien Monguet [sic].


 Comoedia, Paris, 18 avril 1913, p. 4.

Ultérieurement, il est élu vice-président du Syndicat National de l'Exploitation Cinématographique (1930).

Sources

AMBRIÈRE Francis, "A l'aube du cinéma. Les souvenirs de George Monca", L'Image, 1re année, nº 9, 1932, p. 12, 13, 14 et 16.
EMMANUEL Jean, "Quand Jean Liézer tournait 'La Passion...",  Pour vous, 20 août 1931, p. 3.

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1901

[Quo Vadis ?] (Pathé)

1902

Le juif errant (Théâtre de l'Ambigu)

[La Belle au bois dormant] (Pathé)

1903

Les aventures de l'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche (Pathé)

Le Chat botté (Pathé)

L'Épopée napoléonienne (Pathé)

Assassinat du roi et de la reine de Serbie (Pathé)

Guillaume Tell (Pathé)

1904

[Événements russo-japonais] (Pathé)

[Assassinat du ministre Plehve] (Pathé)

1905

Les Troubles de Saint-Pétersbourg (Pathé)

Assassinat du grand duc Serge (Pathé)

La Saint Barthélémy (Pathé)

La Révolution en Russie (Pathé)

Les Martyrs de l'Inquisition (Pathé)

La Révolution russe (Pathé)

1906

Un drame à Venise (Pathé)

La Peine du Talion (Pathé)

1907

A Biribi, disciplinaires français (Pathé)

Idée d'apache (Pathé)

Le Domestique hypnotiseur (Pathé)

Les Chiens policiers (Pathé)

1908

[La Belle au bois dormant] (Pathé)

Le Roman d'un malheureux (Pathé)

Victime de sa probité (Pathé)

L'Affaire Dreyfus (Pathé)

1919

Les Trois Potards (Pathé)

Fredy, chef costumier (Pathé)

Les Deux Paillassons (Pathé)

Une institution modèle (Pathé)

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