Louis LUMIÈRE

(Besançon, 1864-Bandol, 1948)

lumiere louis portrait

Jean-Claude SEGUIN

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Nicolas Lumière (Jonvelle, 28/04/1797-Paris 5e, 04/06/1854) épouse (Jonvelle, 02/05/1821) Louise Huguenin (01/01/1800-Paris 9e, 25/04/1854). Descendance :

  • Françoise Lumière (1822)
  • Marie Lumière (1826)
  • Claude, Antoine Lumière (Ormoy, 13/03/1840-Paris 9e, 15/04/911) épouse (Paris 5e, 24/10/1861) Jeanne, Joséphine Costille (Paris 5e, 29/07/1841-Lyon 3e, 20/12/1915). Descendance :
    • Auguste, Marie, Louis, Nicolas Lumière (Besançon, 19/10/1862-Lyon 8e, 10/04/1954) épouse (Lyon 3e, 31/08/1893) Marguerite Wincker. Descendance :
      • Andrée Lumière (1894)
      • Henri Lumière (1897)
    • Louis, Jean Lumière (Besançon, 05/10/1864-Bandol, 06/06/1948) épouse (Lyon 3e, 02/02/1893) Rose Winckler. Descendance :
      • Suzanne Lumière (1894)
      • Jean Lumière (1897)
      • Yvonne Lumière (1907)
    • Jeanne, Claudine, Odette Lumière (Besançon, 02/04/1870-Lyon 8e, 24/11/1926) épouse (Lyon 3e, 25/09/1890) René Winckler. Descendance :
      • Marcel Winckler (1892)
      • Madeleine Winckler (1895)
    • Mélina, Juliette Lumière (Lyon 2e, 30/09/1873-Montpellier, 05/01/1924)
      • épouse (Lyon 3e, 31/08/1893) Jules Winckler. Descendance :
        • Georges Winckler (1894)
      • épouse (Évian-les-Bains, 02/09/1901) Amand Gélibert. Descendance :
        • Hélène Gélibert (1904)
        • Marcelle Gélibert (1906)
    • Francine (France) (Lyon 2e, 18/09/1882-La Ciotat, 03/05/1924) épouse (Lyon 3e, 09/06/1903) Charles Winckler. Descendance :
      • Odette Winckler (1904)
      • Henriette Winckler (1906)
      • André Winckler (1909)
      • Denise Winckler (1917)
      • Jean Winckler (1920)
      • Édouard Winckler (1924)
    • Pétrus, Édouard (Lyon 2e, 18/11/1884-Saint-Sauveur, 17/04/1917). 

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Les origines (1864-1881)

Fils du photographe Antoine Lumière, Louis Lumière voit le jour à Besançon en 1864, deux ans après son frère Auguste. Il voit le jour, selon son acte de naissance, le 5 octobre, au nº 143 de la Grande Rue. 

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Jeanne Costille (assise), Louis et Auguste Lumière. Besançon. (c. 1866) Louis et Auguste Lumière Besançon. (c. 1866)

Louis a sans doute commencé à apprendre à lire et à écrire, mais il ne reste que quelques traces photographiques de cette époque. C'est vers la fin de l'année 1870 que la famille quitte la Franche-Comté pour s'installer définitivement à Lyon alors qu'Auguste a tout juste huit ans. Le père, Antoine va ouvrir un atelier photographique rue de la Barre alors que la famille loge dans un appartement rue des Marronniers. Comme son frère aîné, Louis commence sa scolarité lyonnaise dans une école primaire située rue Longue:

Dès le début de notre arrivée à Lyon, nous avions fréquenté une petite école primaire de la rue Longue, qui ne nous a pas laissé grands souvenirs. Notre vocation scientifique ne s'y manifesta pas de façon précoce, à la manière des jeunes prodiges, et nous y apprîmes simplement, en bons petits écoliers consciencieux et appliqués, les quatre règles et les premières notions de l'orthographe.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 154.

Il la poursuit à l' Institution Franklin, "Maison des hirondelles", route de Monplaisir:

Nos études se poursuivirent à la vieille institution Franklin, que tous les Lyonnais d'âge mûr se rappellent encore. La chose la plus remarquable en était sa façade semée d'hirondelles noires, en plein vol, sur un fond d'azur tendre. Les maîtres y donnaient un enseignement paternel et débonnaire suivant la méthode désuète et peu compliquée des anciens "magisters", et ce n'est certes pas à leurs leçons que se seraient ouverts notre curiosité naturelle et notre goût pour les sciences.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 154.

Louis va ainsi passer deux années complètes à l'Institution Franklin.

En septembre 1877, une simple anecdote va prendre un relief particulier dans la "légende" Lumière. L'écrivain et ami de la famille Louis Jacolliot invite les deux enfants, Auguste et Louis à passer quelques jours dans sa villa de Saint-Enogat où ils vont vivre une aventure singulière:

C'est à Saint-Enogat que nous donnâmes, certain jour, à nos hôtes, une belle émotion. Nous nous étions réfugiés tous les deux dans une petite grotte de la falaise, que l'on appelait la grotte de "la Goule aux Fées", et qui formait une merveilleuse chambre noire naturelle. Absorbés dans nos expériences photographiques, nous en oubliâmes l'heure du dîner. On nous cherchait de tous les côtés et l'on commençait à être fort inquiet lorsqu'on nous découvrit enfin dans notre antre.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 155.

Après deux années passées à l'Institution Franklin, Louis va rentrer, en 1877, pour un an au conservatoire de Lyon:

Avant son entrée à l'école [La Martinière], en 1877, dans l'année même où Auguste en sortait, Louis, qui avait un goût particulier pour la musique, fit un an de classe au Conservatoire où il obtint même un accessit pour le piano. Simple divertissement, mais qui indiquait déjà ses tendances personnelles et l'intérêt qu'il devait accorder par la suite aux questions d'acoustique.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 154.

À la rentrée 1878, Louis va donc intégrer La Martinière, une école fondée par testament (1800) par le major Claude Martin et inaugurée en 1826. Les deux frères évoquent toujours avec bienveillance cet établissement où ils vont passer deux ans l'un après l'autre et qui va avoir un rôle primordial dans leur formation :

Mais nous connûmes enfin la Martinière, cette admirable école pratique qui a fourni et qui fournit encore à Lyon, dans toutes les branches de l'activité industrielle, tant de sujets remarquables. C'est à elle et à ses professeurs que nous devons d'être devenu ce que nous sommes. Suivant les méthodes rationnelles d'enseignement direct, instaurées par les professeurs Tabareau et Dupasquier, on s'efforçait, avant toute autre chose, de faire naître l'esprit d'initiative et d'observation des jeunes élèves auxquels on demandait surtout un effort personnel. La discipline y était rude et, pour les motifs les plus futiles, les retenues pleuvaient dru comme grêle. Elles consistaient à venir à l'école à sept heures du matin et à faire une heure de calculs très rapides ; ceux qui n'avaient pas trouvé les solutions justes recommençaient le lendemain. Il n'existe pas de meilleure gymnastique cérébrale.
Cette discipline, ces méthodes développèrent chez nous l'amour de l'effort, nous firent connaître le plaisir de la difficulté vaincue et éveillèrent en nos esprits la passion des sciences exactes. C'est de la Martinière que date vraiment notre vocation scientifique.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 154.

À l'issue de cette première année à La Martinière, Louis Lumière obtient le 1er prix  de Mathématiques dans la section de M. Pradel. 

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René Lanaud, Monument de la Martinière (détail), 1994
Source: Bibliothèque Municipale de Lumière

Au moment de la distribution des prix, le 28 juillet 1880, au terme de ses études à La Martinière, Louis reçoit de  multiples récompenses: perspective, chimie, anglais, comptabilité, physique...). Pourtant, il ne va pas obtenir son diplôme à cause de sa santé chancelante:

Louis avait une santé délicate et fragile qui, au moment où il quitta l'Ecole, nécessita des soins attentifs. Il profita des loisirs forcés que lui imposait la maladie, pour apprendre le grec. M. Clavel, alors professeur à la Faculté des Lettres et qui était un familier de la maison, le guida dans cette étude nouvelle. Mais des nécessités d'un ordre plus pratique réclamaient son activité et, aussitôt que ses forces le lui permirent, Louis collabora, dans l'atelier familial, à l'oeuvre de notre père.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 154.

Les débuts de l'industrie photographique (1881-1893)

Les progrès de la photographie dans les années 1870 et le procédé de fabrication du gélatino-bromure d'argent conduisent Antoine Lumière à se lancer avec autant d'enthousiasme que d'inexpérience dans l'industrie photographique. Ses recherches pour produire des plaques photographiques se soldent par un échec et c'est un homme désespéré que ses enfants voient sombrer :

Auguste venait d'achever sa période militaire. Notre père nous réunit, certain soir, et, en fondant en larmes, nous avoua notre ruine. Quelle tristesse de voir cet homme à l'ordinaire si fort, si confiant, si énergique, pleurer comme un enfant. Il avait tenu tête à l'orage aussi vaillamment qu'il avait pu, mais la malchance s'était acharnée et chaque jour creusait un peu plus le gouffre où nous allions sombrer.
Un silence d'angoisse accueillit son aveu. Qu'allions-nous faire ? Par quel miracle pourrions-nous remonter le mauvais courant où nous entraînait la fatalité ? Ce miracle fut celui de la jeunesse et de la magnifique assurance qui l'accompagne. L'un de nous avait dix-neuf ans, l'autre en avait dix-sept.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 156.

Auguste et Louis vont prendre les affaires en main et réussir à convaincre les créanciers de soutenir l'entreprise familiale :

Dès le lendemain, nous rendions visite à nos créanciers ; nous nous engagions tous solidairement, nous obtenions des délais et nous nous mettions au travail.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 156.

En janvier 1884, la constitution de la société en nom collectif "Antoine Lumière et ses fils" marque sans aucun doute un tournant dans l'existence de Louis Lumière. Alors qu'il n'est âgé que de dix-neuf ans, son père Antoine va l'émanciper (Tribunal de commerce de Lyon) afin de l'intégrer légalement à l'entreprise. La famille va travailler d'arrache-pied :

Nos journées, nos soirées et, bien souvent, nos nuits se passèrent dans notre laboratoire à étudier et à chercher. Des années coulèrent sans que nous ayons eu le temps de nous en apercevoir. Nous nous étions, pour ainsi dire, endormis au monde adolescents; nous nous réveillâmes hommes faits : la jeunesse avait fui pendant notre singulier sommeil.


Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie",  Je sais tout,  18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 156.

Dans les mois qui suivent, Louis va multiplier les recherches afin obtenir des plaques d'une grand sensibilité :

Mon frère Louis, qui avait fait une série d'essai de préparation d'émulsions sensibles de bromure d'argent dans la gélatine, s'était arrêté à une formule satisfaisante, nous avons pensé que des plaques de verre, recouvertes de cette préparation, seraient bien accueillies par les photographes; pour en tirer parti immédiatement, n'ayant aucun moyen mécanique de réaliser ces préparations, il fallut effectuer à la main les opérations nécessaires à l'obtention de ces plaques sensibles. C'était long et laborieux, mais nous n'avions aucune autre solution à envisager au début.
Pendant de longs mois, nous nous sommes alors livrés, mon frère, mes deux soeurs et moi, à cette besogne pendant douze et quatorze heures par jour, enfermés dans des laboratoires obscurs, sans trêve ni repos, n'en sortant que pour prendre de rapides repas.


LUMIÈRE, 1953: 29.

Il semble y être parvenu dès 1885. Ces plaques sèches connaissent le succès sous le nom d'"étiquettes bleues". En presque trois ans, l'entreprise familiale va parvenir à stabiliser sa situation financière :

Notre entreprise grandissait ous les jours, si bien que les bénéfices croissants nous permirent de rembourser les créances ainsi que le prêt qui nous avait été consenti, au bout de deux années de fonctionnement.


LUMIÈRE, 1953: 30.

Ajourné à deux reprises, Louis Lumière va accomplir finalement ses obligations militaires. Son matricule militaire indique qu'il est dirigé, le 3 novembre 1887, sur le 4e régiment du Génie. Au bout de presque deux ans, il est envoyé en congé (21 septembre 1889) avant de passer dans la réserve de l'armée active.

Entre 1887 et 1892, les frères Lumière vont cosigner une vingtaine articles relatifs à des perfectionnements photographiques : "Essai relatif à l'action de la lumière sur les surfaces sensibles photographiques", "Note sur un nouveau révélateur", "Propriétés révélatrices du chlorure cuivreux ammoniacal. Société française de photographie"... Le développement de l'entreprise Lumière va conduire à la création de La Société anonyme des plaques et papiers photographiques Antoine Lumière & ses fils dans laquelle, dès le mois de décembre 1892, Louis et Auguste vont occuper une place prépondérante.

Comme pour parachever cette prospérité, Louis Lumière épouse Jeanne Winkler, la fille du brasseur Joseph, Alphonse Winkler. Le contrat de mariage, signé devant Me Fabre (28 janvier 1893), stipule que les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquets.

Le Cinématographe (1894-1895)

Bibliographie

BLONDEAU Georges, "Victor Jeanneney. Artiste peintre et professeur de dessin (1832-1885)", Séance du 25 mars 1911, Mémoires de la Société d'Émulation du Doubs, Huitième Série, Sixième volume, 1911, Besançon, Imprimerie Dodivers et Cie, 1912.

CHARDÈRE Bernard, Guy et Marjorie BORGÉ, Les Lumière, Lausanne/Paris, Payot/Bibliothèque des Arts, 1985, 224 p.

CHARDÈRE Bernard, Les Images des Lumière, Paris, Gallimard, 1995, 200 p.

DURAND Marc, De l'image fixe à l'image animée 1820-1910, Pierrefitte-sur-Seine, Archives Nationales, 2015.

Lumière. L'Album de famille, Lyon, Archives Municipales, 1995, 168 p.

LUMIÈRE Auguste, "La ressemblance en photographie", Le Photographe, 6e année, nº 11, Paris, 5 octobre 1919, p. 206, 209 et 210. 

LUMIÈRE Auguste, Notice sur les titres et travaux, Lyon, Imprimerie Léon Sézanne, 1940, 328 p.

LUMIÈRE Auguste, Mes Travaux et Mes Jours, Paris, La Colombe, 1953, 190 p.

LUMIÈRE Auguste et Louis, Résumé des travaux publiés par MM. Auguste & Louis Lumière (1887-1906) (1887-1906), Lyon, Imprimerie Léon Sézanne, 1906, 190.

MONMARTIN Antonin, Précis sur l'école La Martinière, Lyon, Imprimerie de Louis Perrin, 1862, 96 p.

TABAREAU Charles-Henry, Exposé de la méthode Tabareau fondée à l'École La Martinière, Lyon, Imp. Louis Perrin, 1863, 48 p.

VIGNE Paul, La Vie laborieuse et féconde d'Auguste Lumière, Lyon, Imprimerie Durand-Girard, 1942, 440 p.

Remerciements

Bibliothèque Municipal de Lyon.

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