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- Mis à jour : 2 décembre 2023
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Le Coucher de la mariée
1
Le Coucher de la mariée
(Longueur 2 films)
VIT 1897-01
Coucher de la mariée
(forme 2 bandes)
MEN 1897-01
2
1 | Normandin | Vitagraphe 457; Mendel 91 |
2 | Albert Kirchner | Louise Willy [Marquetti]. |
En 1896, le photographe le plus considéré de Paris, le photographe des rois, comme on disait alors, Eugène Pirou, dont l'hôtel particulier du boulevard Saint- Germain n'est qu'une vaste antichambre, comme aussi ses salons de pose de la rue Royale, est gagné au cinéma par son nouveau chef-opérateur, M. Léar, précédemment attaché à la maison Ogereau, installée sur ces grands boulevards où tout déjà est imprégné de la nouvelle merveille. Une série de poses plus ou moins risquées de nos plus jolies, sinon de nos plus grandes actrices, dont il a fait un album de « visions d'art », suggère à Léar l'idée d'un scénario accepté par Pirou. Ainsi fut réalisé le Coucher de la mariée, grand film de 60 mètres, dont le succès fut énorme. |
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3 | ≤ 11/10/1896 | |
4 | France. Paris. |
3
11/10/1896 | France. Paris. | Eugène Pirou | Le Coucher de la mariée |
30/10/1896 | Espagne, Valence | Nuevo Cinematógrafo de París | Noche de bodas |
28/12/1896 | France. Nîmes | Ferdinand Itier | Le Coucher de la mariée |
03/01/1897 | France. Bourges, Place Berry | Cinématographe parisien | Le Coucher de la mariée |
08/01/1897 | France. Limoges | Mergault cinématographe parisien |
Le Coucher de la mariée |
23/01/1897 | France. Pontarlier | Cinématographe Joly-Normandin | Coucher de la mariée |
29/01/1897 | France. Brive | Mergault cinématographe parisien |
Coucher de la mariée |
02/02/1897 | France. Tulle | Mergault cinématographe parisien |
Coucher de la mariée |
11/04/1897 | France. Privas | Léopold Courthial Cinématographe |
Le Coucher de la mariée |
*08/01/1899 | France. Lyon. Attractions Parisiennes | Cinématographe perfectionné | Le Coucher de la mariée |
Le coucher de la mariée (étude)
Le Coucher de la Mariée (étude)
Jean-Claude SEGUIN
Les origines
S'il est probable que le thème du "coucher de la marié" soit bien plus ancien, le XVIIIe siècle va porter une attention tout particulière à cette scène dont le caractère grivois est déjà inscrit dans la gouache du gendre de François Boucher, Pierre-Antoine Baudoin, Le Coucher de la mariée (1767).
Pierre-Antoine Baudouin, Le Coucher de la mariée (1767) Source: musée des beaux-arts du Canada (Ottawa) |
Au cours de la seconde partie du XIXe siècle, la photographie va s'emparer du sujet et on ne compte plus, en particulier, les représentations d'une jeune femme dans des vues stéréoscopiques.L'une des séries les plus connues et anciennes est celle de la maison Furne Fils et Tournier, en 1859. Le numéro 12 porte le nom Le Coucher de la Mariée :
Nº 12. Le Coucher de la Mariée. Par la porte entre-bâillée le mari lance un coup d'oeil indiscret; sans égards pour ses droits on la lui ferme au nez avec cet adage: Tout vient à point à qui sait attendre.
La Photographie, 1re série, nº 8, mai 1859, p. 4.
Ci-après un des très nombreux exemples de ce type de vues.
Nos mondaines. "Le Coucher de la Mariée" (nº 6).
À la fin du XIXe siècle, après le succès du Coucher d'Yvette dès 1894, les pantomimes grivoises vont connaître un très bref âge d'or. le Coucher de la mariée est l'une des plus connues, écrite par Gaston Pollonais (Paris 18e, 31/05/1856-Paris 18e, 30/04/1922). Louise Willy va interpréter le rôle de la mariée. La pantomime est créée à l'Olympia le 9 mai 1895 :
Ce soir, à l'OLYMPIA, première représentation de le Coucher de la Mariée, pantomime en un acte, de MM. Gaston Pollonais et O. de Lagoanère.
Le marié, M. Marquetti; la mariée L. Willy.
Le Soir, Paris, jeudi 9 mai 1895, p. 3.
Le lendemain, un autre quotidien donne un compte rendu de cette première :
À l’Olympia.— Le Coucher de la mariée. Le Fiancé de Cire.
Un nouveau déshabillé. Le public y prend goût, à ce genre d’exhibition leste ; c’est du moins ce que l’on croit à l’Olympia. Le Coucher de la mariée n’est cependant pas une nouveauté. Les divers cafés-concerts de la capitale se sont chargés, au cours de la saison qui s’achève, de nous présenter des spectacles similaires, comme l'Instantané, le Coucher d'Yvette, le Lever d’une Parisienne, etc.
Le Coucher de la mariée est tout simplement la réédition du Coucher d'Yvette, de joyeuse mémoire. L’auteur ne s'est donc pas mis en frais d’imagination, pas plus d’ailleurs, que le musicien, qui s’est attaché à nous fournir des réminiscences du Mauvais Rêve (pantomime de mes excellents camarades Max Mauroy et Rodolphe Berger), du Coucher d'Yvette déjà nommé, de l' « Instantané », etc.
Par une coïncidence malheureuse, le principal interprète, M. Marquetti (le marié) qui peut être un excellent comédien, ne paraît pas même se douter des principes les plus élémentaires du la mimique.
Seule, de tous les acteurs de la scénette, la soubrette, une accorte petite personne, s'est tirée convenablement de son rôle, un peu sacrifié.
Il va sans dire, que les défauts que je me permets de signaler, ne doivent, à aucun degré, porter préjudice, à l’ensemble de la mise en scène qui fait honneur à M. Pastorini, le maître ès-pantomime par excellence. Cette mise en scène assurera certainement le succès du Coucher de la mariée, car elle est fort ingénieuse.
L'Événement, Paris, 10 mai 1895, p. 3.
Quelques mois plus tard, le cinématographe va se saisir de la pantomime Le Coucher de la mariée et l'adapter à de multiplies reprises.
Le Coucher de la mariée (Albert Kirchner/Eugène Pirou, 1896)
Le célèbre photographe parisien, Eugène Pirou, qui voit alors tout l'intérêt de se lancer dans l'exploitation cinématographique, va s'adjoindre les services d'Albert Kirchner dit Léar, autre photographe qui a eu maille à partir, quelques années au préalable, avec la justice pour avoir éditer des vues photographiques licencieuses. Un cinématographique tout désigné donc pour réaliser celui qui est considéré comme le premier film grivois de l'histoire du cinématographe. On doit à Guillaume-Michel Coissac la première référence à ce tournage :
En 1896, le photographe le plus considéré de Paris, le photographe des rois, comme on disait alors, Eugène Pirou, dont l'hôtel particulier du boulevard Saint- Germain n'est qu'une vaste antichambre, comme aussi ses salons de pose de la rue Royale, est gagné au cinéma par son nouveau chef-opérateur, M. Léar, précédemment attaché à la maison Ogereau, installée sur ces grands boulevards où tout déjà est imprégné de la nouvelle merveille. Une série de poses plus ou moins risquées de nos plus jolies, sinon de nos plus grandes actrices, dont il a fait un album de « visions d'art », suggère à Léar l'idée d'un scénario accepté par Pirou. Ainsi fut réalisé le Coucher de la mariée, grand film de 60 mètres, dont le succès fut énorme.
Guillaume-Michel Coissac, Histoire du cinématographe des origines à nos jours, Paris, Éditions du Cinéopse/Librairie Gauthier-Villars, 1925, p. 384.
Le film a un caractère exceptionnel également par sa durée, puisque sa longueur (60 m) est le triple des vues cinématographiques de l'époque comme celles des frères Lumière, qui mesurent environ 17 mètres. La structure narrative est tout à fait minimaliste et nous fait assister à l'effeuillage de la mariée. Elle l'est d'autant plus que le personnage de la soubrette, présent dans la pantomime originale, a été éliminé. Figure essentielle que celle de la camériste dont Georges Montorgueil nous dévoile tout l'intérêt :
Dans toutes ces pantomimes, il y a un personnage dont on ne parle pas, ce qui est injuste : c'est la soubrette. Son rôle n'est modeste qu'en apparence ; à la vérité, il est capital. Il la faut délurée et très exacte. Rien dans ces scènes ne vaut que la vivacité et l'à-propos. L'ajustement tombe ou s'accroche selon le rythme que l'rochestre ordonne. La robe se détache en mesure, et ce serait une cacophonie qu'un corset ouvert à contretemps. La mise en scène réclame des soins qu'on ne se figure pas. C'est toute une affaire que d'accorder les jarretières et les flûtes, et le chef d'orchestre risquerait un désastre s'il levait son bâton devant que la chemise ne soit prête à choir. Nul droit de tatillonner,, de s'alourdir aux bagatelles des épingles, de s'empétrer dans les cordons de taille, de subir les caprices des agrafes. tout est calculé par le compositeur : et s'il y a quatre temps pour la culotte, on n'a pas droit à un soupir de plus.
C'est en quoi est indispensable la camériste bien stylée. Elle est à l'action, de l'oreille, des yeux et des doigts. Diligente, elle va, vient, obéit, sans gaucherie, impair, ni confusion. Et de plus, autant que possible très avenante, étant femme, elle réclame, dans l'effacement volontaire de sa personnalité, la politesse d'une attention. Quand Mlle Lamothe, sérieuse artiste, tenait ce rôle aux Folies-Bergère, on le devinait essentiel. La précieuse soubrette !... Mlle de Presles n'était pas la dernière à le laisser entendre : "Messieurs, disait-elle aux journalistes, n'oubliez pas la petite bonne !"
MONTORGUEIL, 1896: 73-74.
C'est donc un simple duo auquel nous assistons dans cette première version cinématographique du Coucher de la mariée. On y découvre un mari qui, derrière un paravent, après avoir jeté un coup à son journal, tente d'observer le déshabillage de sa belle.
Si l'interprète féminine est aisément identifiable puisqu'il s'agit de Louise Willy qui s'est déjà fait remarquer dans Le Coucher d'Yvette présenté à Lyon en juin 1894, tel n'est pas le cas de l'époux dont on présume, malgré tout, qu'il pourrait s'agir de M. Maquetti qui, sur scène, donne la "réplique" à la mariée. La Bibliothèque National conserve une collection de paper-prints des films de Pirou dont plusieurs du Coucher de la mariée avec deux performations différentes "5" (Joly-Normandin) et "4" (format Edison).
Eugène Pirou. Le Coucher de la mariée | |
Source: Gallica |
Le succès immédiat de ce Coucher de la mariée, distribué en particulier par Joly-Normandin, est immédiat et les autres éditeurs de vues cinématographiques vont lui emboîter le pas.
Le Coucher de la mariée (Pathé, [1897], "Agacé")
L'étude des différents catalogues disponibles de la maison Pathé permet de mettre en évidence que plusieurs versions du Coucher de la mariée ont été produites au cours de la période 1896-1907. Toutefois, il est malaisé d'en connaître le nombre sans se référer au "code télégraphique", outil précieux, qui permet de les identifier. Lors des transactions avec les clients cela évite des confusions, car alors que plusieurs vues peuvent porter le même titre, comme dans le cas présent, le code télégraphique est unique. Si certains éditeurs associent un code en lien avec le contenu de la vue, tel n'est pas le cas chez Pathé où le choix du mot est arbitraire et alphabétique. Grâce à cela nous savons qu'il existe quatre versions du Coucher de la mariée désignés par les termes suivants : "Agacé", "Allah", "Apologie" et "Carnation".
La version originale "Agacé" figure dans les catalogues de 1900 et 1901 :
397. Coucher de la mariée (40 m): Nous représentons Mlle Willy, créatrice du Coucher de la Mariée, à l'Olympia. Cette scène, qui a obtenu un si grand succès auprès du public parisien, est fidèlement reconstituée dans cette vue.
Agacé. 350b. Coucher de la mariée. Nous représentons Mlle Willy, créatrice du Coucher de la Mariée, à l'Olympia. Cette scène, qui a obtenu un si grand succès auprès du public parisien, est fidèlement reconstituée dans cette vue. 20 m. 40 fr.
Si les informations sont semblables, on peut remarquer cependant, dans le catalogue de 1900, l'absence de code télégraphique la double longueur (40 m) du film par rapport au catalogue de 1901. La différence dans la numération n'est pas un élément probant dans la mesure où, entre 1900 et 1902, et parfois, au-delà, les films vont être renumérotés. Malgré cela, le résumé identique permet de dire qu'il s'agit du même film. Les vues font partie de la série "Mariage de raison. Scène vécue en cinq tableaux" qui comprend cinq "tableaux" : Les fiançailles, Les adieux d'une mère à sa fille, Coucher de la mariée, Cinq ans après et Flagrand délit. Conclusion.
Si cette vue n'apparaît qu'à partir de 1900 c'est tout bonnement que l'on ne connaît, entre 1896 et 1899, qu'un catalogue de 1896-1897 et des listes éparses. Il faut donc penser que cette vue peut avoir été impressionnée entre 1896 et 1899. Pour cela, nous disposons de quelques informations. D'une part, dans le catalogue de 1896-1897 figure déjà une vue grivoise dont le titre Une femme au bain (nº 14) fait penser au célèbre Bain de la parisienne. Dès 1896, la maison Pathé dispose d'une vue "légère", ce qui laisse à penser qu'il pourrait y en avoir d'autres par la suite. D'autre part, nous disposons d'un rare témoignage, celui d'Henri Desfontaines qui se souvient qu'il a été le partenaire de Louise Willy dans Le Coucher de la mariée dont le tournage a été réalisé par Charles Pathé en personne. Une chose surprend tout de même, alors que tout ce qu'il évoque se réfère, sans aucun doute, à la fin de l'année 1896 ou au début de l'année 1897, le futur réalisateur évoque l'année "1902", information qui sera reprise par l'historiographie. Voici ce qu'il dit :
LE CINÉMA D'AVANT-GUERRE.
Dans la loge d'Henri Desfontaines.-Comment en 1902 on débutait devant l'objectif.
Du théâtre Antoine à Vincennes. De Ch. Pathé à A. Capellani.
Deux minutes plus tard, j'étais en tête-à-tête avec H. Desfontaines dans sa loge nue comme une cellule de chartreux.
[...] c'est en 1902 que je me suis trouvé pour la première fois en face d'un appareil de prise de vues cinématographiques. J'étais au théâtre Antoine, mais, avant d'être le pensionnaire du fondateur du Théâtre Libre, j'avais créé aux Folies-Bergère, à côté de Thalès, une pantomime de Catulle Mendès : Chand d'Habits.
C'est sans doute à cette création dans une œuvre dont on avait beaucoup parlé que je dus d'être convoqué pour être le partenaire de Louise Willy dans un film dont elle devait être la vedette. Louise Willy était une jolie fille blonde et grassouillette qui depuis plusieurs mois faisait courir tout Paris à l'Olympia où elle jouait une courte pantomime, Le Coucher de la mariée, qui semblait alors être le comble de l'audace et qui nous apparaîtrait aujourd'hui comme une saynète d'une insignifiance insupportable. C'était cette pantomime qui allait être portée à l'écran !... Vous voyez que déjà à cette époque on empruntait au théâtre —et au music-hall — leurs plus grands succès pour en faire des films. J'acceptai naturellement la proposition qui m'était faite et, au jour, fixé je me rendis à l'adresse qui m'avait été donnée : 4, rue du Polygone, à Vincennes. Le local qui allait voir mes débuts dans l'art cinématographique était un quelconque atelier de photographe situé au 4e étage d'un immeuble semblable à tous ceux qui l'entouraient. Il y avait un appareil de prise de vues devant lequel Louise Willy joua la pantomime qu'elle jouait chaque soir sur la scène de l'Olympia, comme elle la jouait chaque soir et sans paraître se douter qu'elle aurait pu la jouer différemment. Mon rôle se bornait à quelques apparitions. Je m'en acquittai en imitant la belle indifférence que ma partenaire éprouvait pour l'avenir de l'art dont nous étions les premiers fidèles et je suis sûr, quand je revois cette scène, que l'opérateur qui tournait la manivelle de l'appareil n'était pas plus clairvoyant que nous... Tenez-vous bien, je vais vous dire son nom : Charles Pathé ! [...].
René Jeanne, "Le Cinéma d'avant-guerre", Ciné Magazine, nº 2, 10e année, février 1930, p. 22-23.
Rappelons qu'Henri Desfontaines joue dans la pantomime Chand d'Habits de Catulle Mendès à partir du 19 novembre 1896 où il va se faire remarquer. En outre, si en 1897, Charles Pathé est tout à fait susceptible de tourner les premières vues de la maison Pathé, cela est bien plus incertain en 1902, alors qu'il dispose d'une équipe de cinématographistes dont Ferdinand Zecca.
De cette première version, il n'existe pas de copie localisée, mais un doute subsiste encore. Il se trouve que la version "Apologie" est accompagnée, dans plusieurs catalogues, d'un photogramme où l'on reconnaît aisément Louise Willy et Henri Desfontaines. Cette version a d'ailleurs été conservée. Faut-il alors penser que les deux mimes se sont retrouvés à plusieurs reprises devant les opérateurs Pathé ?
Le Coucher de la mariée (Méliès, [1897-1898])
C'est sous la forme d'un flipbook que nous sont parvenues quelques images d'un film disparu de Georges Méliès tourné probablement en 1897-1898. L'identification de la vue a été opérée grâce au décor. Ce dernier est présent dans plusieurs vues avec un photogramme publié dans l'ouvrage de Georges Sadoul sur L'Histoire Générale du cinéma.
"Après le bal, le tub ! (1897) Ce film est également connu sous le titre Le Bain de la Parisienne. Le rôle de la Parisienne est tenu par Jehanne d'Arcy qui deviendra, en 1927, la seconde Mme Méliès. La femme de chambre est interprétée par Jeanne Brady." SADOUL, 1947: 129. |
La vue connue comme Après le bal, le tub ne correspond pas, de fait, à ce photogramme, contrairement à ce qu'écrit Sadoul, mais bien au Bain de la parisienne dont on retrouve des éléments de décors dans Le Coucher de la mariée et L'Amant surpris.
L'Amant surpris-Le Coucher de la mariée-Le Bain © Onno Petersen-Collection Pascal Fouché Reproduit dans LECOINTE, 2020 : 207. |
Dans le fragment de film reproduit dans le flip-book, on assiste au déshabillé de la mariée aidée par une servante avant l'arrivée -à peine quelques photogrammes - du marié. Cet argument ne reprend pas celui du film de Pirou/Léar, mais reprend celui de la pantomime dont il s'installe.
Le Coucher de la mariée (Méliès, [1899])
Le Coucher de la mariée ou Triste nuit de noces (177-178. 1899)
Photo de plateau. Tirage sur papier argentique. 13,5 x 18,4 cm.
Reproduit dans MALTHÊTE, 2008: 94.
À son tour, la Star-Film édite une nouvelle version en deux tableaux. Cela explique que cette vue animée soit connue sous deux titres Le Coucher de la mariée et Triste nuit de noces. Au dos de la photographie de plateau, Georges Sadoul a écrit :
Le Coucher de la mariée (il y a une couronne de fleurs d'oranger sur la table de nuit). Ce film ne figure pas au catalogue américain. Peut-être de 1897-1898, contemporain de Lear. C'est l'actice Barral qui jour Cendrillon en 1899. Peut-être Lune de miel interrompue 230-231 ?? Georges Méliès.
MALTHÊTE, 2008: 94.
En fait, le film est bien présent dans le catalogue américain sous le titre The Bridegroom's Dilemma. Si l'on ne dispose pas d'un résumé, on peut au moins se référer à la presse d'époque qui donne quelques très rares informations :
Puis des scènes comiques, qui obtiennent à Paris, en ce moment, le plus grand succès, telles que le Coucher de la Mariée, ou Triste Nuit de Noce (disons que ceci peut-être vu par tous parents et enfants)...
Le Petit Provençal, Marseille, samedi 31 mars 1900, p. 2.
D'après les informations fournies par Sadoul, le rôle du vieux beau est tenu par Georges Méliès et celui de la mariée par l'actrice Barral.
Le Coucher de la mariée (Pathé, [1902-1903], "Allah")
La deuxième version du Coucher de la mariée (code télégraphique "Allah") de la maison Pathé a pu être localisée dans le catalogue britannique de mai 1903 et l'espagnol d'octobre 1904:
Allah. 361. The bride's first night. 80 ft. 2 £.
Allah. 361. La novia acostándose. 25 m. 37.50.
Cette vue n'est accompagnée d'aucun résumé. On ignore donc le nom des interprètes. Dans ces mêmes catalogues, figure également la troisième version "Apologie".
Le Coucher de la mariée (Pathé, [1902-1904], "Apologie")
Le troisième Coucher de la mariée ("Apologie") de la maison Pathé figure dans trois catalogues anglais, espagnol et français, accompagné d'un photogramme :
Apologie. 1059. The Bride going to Bed. (about 132 feet). 3 £ 6.
[...]
(Scenes played by Willy of the Olympia).
Apologie. 1059. El acostarse de la novia. 40 m. 60.
[...]
Escenas ejecutadas por WILLY del Olympia.
PAT 1904-10-es: 110.
Apologie. 1059. Le coucher de la mariée. 40 m. 80 m.
PAT 1907. p. 165.
Contrairement aux deux versions antérieures, ce Coucher de la mariée a été partiellement conservé. On y reconnaît Louise Willy et Henri Desfontaines. Cela semble bien indiquer que ces deux mimes ont tourné plusieurs vues animées dont la première "Agacé" si l'on suit les souvenirs du second. Les décors plus soignés et élaborés que ceux que l'on trouve en 1896-1897 et la qualité du jeu des acteurs autorisent à penser que Louise Willy et Henri Desfontaines, dans cette pantomime, sont filmés par un cinématographiste plutôt expérimenté. On remarque un accessoire identique (une statuette) dans les vues Le Coucher de la Parisienne et La Puce également interprétées par Louise Willy.
Le Coucher de la mariée | Le Coucher de la parisienne | La Puce |
Le Coucher de la mariée (Pathé, 1907, "Carnation")
Le succès de cette pantomime conduit la maison Pathé à cinématographier une nouvelle version du Coucher de la mariée. Voici la transcription de la vue dans un catalogue de 1907 :
Le Coucher de la mariée (1639). 80 m. Scènes grivoises. Après les ultimes recommandations, la belle-mère sort et la mariée commence sa toilette nocturne suivie par les regards admiratifs du mari caché derrière le paravent. Carnation.
BOUSQUET, 1993: 6.
La vue va prendre quelques libertés avec l'argument de la pantomime puisque dans ce cas, deux nouveaux personnages, le père et la mère de la mariée, sont introduits dans le récit. La seconde semble donner quelques conseils à sa fille, quant au premier, il discute aimablement avec son gendre. À leur départ, la jeune mariée commence à se dévêtir avec l'aide de son époux, avant de renvoyer ce dernier derrière un paravent. Ce Coucher de la mariée s'inscrit dans un univers bourgeois assez éloigné, de fait, de l'environnement plus populaire des versions antérieures. Les décors et quelques accessoires (le guéridon, le fauteuil) sont identiques à ceux qui figurent dans Le Coucher de la mariée de 1907. On peut même dire qu'il est fort probablement que l'actrice soit la même.
La Puce (1907) | Le Coucher de la mariée (1907) |
Le nom des acteurs ne nous est pas connu. Si la silhouette de la jeune mariée n'est certes plus celle de Louise Willy, la physionomie du jeune marié rappelle celle d'Henri Desfontaines. Les décors, si on les compare avec la version "Apologie", sont plus élaborés et l'on remarque une touche de raffinement dans les accessoires.
Henri Desfontaines, "Le marié" (1904) | "Le marié" (1907) |
Sources
BOUSQUET Henri, Catalogue Pathé des années 1896 à 1914, Ed. Henri Bousquet, 1993, 256 p.
LECOINTE Thierry et alii., Des fragments de films Méliès disparus ressuscités par des flip books (1896-1901), John Libbey Publishing Ltd., 2020, 272 p..
MALTHÊTE Jacques et Laurent MANNONI, L'Oeuvre de Georges Méliès, Paris, La Martinière, 2008, 360 p.
MONTORGUEIL Georges, Les Déshabillés au théâtre, Paris, H. Floury Éditeur, 1896, 122 p.
SADOUL Georges, Les Pionniers du cinéma. 1897-1909, Paris, Editions Denoël, 1947, 628 p.