Excursion aux chutes du Niagara

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Excursion aux chutes du Niagara

Le bateau s’engage dans le Saint Laurent qui se rétrécit peu à peu jusqu’aux lacs. Le Niagara, large de 500 à plus de 3000 mètres, arrive par des rapides à sa fameuse chute. L’impétuosité du courant et les aspérités du roc pulvérisent l’eau en un bouillonnement d’écume. Elle tombe avec un roulement de tonnerre, plonge dans une gorge entre deux parois droites et hautes où la rivière profonde ondule violemment, ou se brise en énormes tourbillons, puis s’abaisse en tournoyant dans le fameux whirpool ou remous.

PAT 1906-11/12

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1 Pathé 1586  
2 Léo Lefebvre  
3 08/1906 185 m
4 Canada, Niagara   

 

1586a 1586b 1586c 1586d 1586e
Niagara (1) Niagara (2) Niagara (3) Niagara (4) Whirlpool (5)
1586f 1586g 1586h 1586i 1586j
Whirlpool (6) Goat Island (7) Goat Island (8) Horse Shoe (9) Horse Shoe (10)


Paris 1922. C’est au mois d’août 1906 que je tournai les chutes du Niagara. Avant nous, Thomas Edison avait réalisé un film des rapides: il s’agissait de faire mieux. Une pensée me soutenait: nous étions les premiers Français qui voulaient fixer sur l’écran les chutes impressionnantes. Les Indiens ont donné à la cataracte le nom de Niagara: tonnerre de l’eau. C’est véritablement le tonnerre, et à une distance de plusieurs kilomètres, les oreilles perçoivent un roulement sourd, ininterrompu. Ce n’est guère rassurant. Il faut se souvenir de ceci pour imaginer le spectacle; le fleuve, a une longueur de 53 kilomètres. Il sort du lac Erié entre Buffalo et le fort du lac Erié; il y a là deux arrivées (1 et 2) pour les voyageurs qui viennent admirer le Niagara. D’abord, l’eau coule paisiblement (3), mais  à la cataracte (4), la chute tombe d’une hauteur de 50 mètres dans le vide et précipite 5.000 mètres cubes d’eau par seconde. C’est quelque chose!
Après avoir exploré le terrain, nous constatâmes que le point idéal, pour nous placer, l’opérateur Daret et moi, était hérissé de pancartes: Fordidden to pass (Défense de passer). De vigilants gardiens étaient là, mais avec quelques dollars…
Enfin, nous pûmes installer la camera, non sans difficulté, et après una assez périlleuse gymnastique, à un endroit qui nous parut le plus propice, mais non le plus sûr, car le sol se désagrégeait sous nos pieds et nous étions à 50 mètres, à pic, au-dessus des rapides. La mise en scène ne dura — fort heureusement — que cinq à six minutes, pour prendre un négatif de 60 mètres, mais les minutes nous parurent longues…
Nous tournâmes ensuite les rapides de Whirlpool (5 et 6) où se noya le capitaine Webb, le célèbre nageur, et là, dans le dessein de faire mieux et de battre Edison, nous décidâmes d’installer l’appareil au milieu des rapides eux-mêmes. Nous avions de l’eau jusqu’aux genoux. Autour de nous, des vagues bouillonnaient, menaçantes… La camera tournait toujours. Le film se termina par Goat Island (Ile aux chèvres) et le Horse Shoe (7, 8 et 9) (Fer à cheval) qui est le nom de la chute canadienne. Cette chute grandiose est un gouffre formidable du fond duquel l’eau remonte en molécules impalpables. Gare à la douche ! (10)
Le négatif ainsi obtenu avait environ 200 mètres il fut réduit à 135 mètres, ce qui était fort long pour l’époque, nous parlons  de 1906.
Depuis, avons-nous besoin de dire que les chutes du Niagara furent filmées par bon nombre d’opérateurs et mieux que par nous. 1906, c’est la préhistoire du cinéma.


Léo Lefebvre, "Comment j'ai filmé les chutes du Niagara", Ciné-Miroir, Paris, nº 11, 1er octobre 1922, P. 175.

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16/12/1906 FranceParis, Théâtre du Cinématographe Pathé Cinématographe Pathé Les Chutes du Niagara 
 
Entre autres " numéros " particulièrement réussis, nous avons vu et entendu les chutes du Niagara ; car on entend aussi, et l'imitation du bruit de l'eau est si parfaite que l'illusion est complète.

Le Journal, Paris, 17 décembre 1906, p. 5.

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