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GRUPO DE REFLEXIÓN SOBRE EL MUNDO HISPÁNICO

L'Arrivée à Moscou des états-majors et marins du Varyag et du Korietz coulés à Chemulpo

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L'arrivée à Moscou des états-majors et marins du Varyag et du Korietz

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1 Mesguich 002  
2 Félix Mesguich  
3 29/04/1904  
4 Russie. [Moscou]. Saint-Pétersbourg.  

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10/05/1904 FranceParis Le Petit Journal À Moscou : Revue des états-majors et des héroïques marins du Varyag et du Korietz passée par LL. A. I. le grand-duc Serge, gouverneur de Moscou, et le grand-duc Alexandre 
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Le Petit Journal, Paris, 10 mai 1904, p. 3.

L'Affaire Mesguich v. Pathé (juin 1904-mars 1905)

L'Affaire Mesguich v. Pathé (mars 1905)

Jean-Claude SEGUIN

L'épisode de la destruction des croiseurs russes Varyag et Korietz va marquer l'histoire de la guerre russo-japonaise. Les deux navires sont attaqués, le 9 février 1904, par la flotte japonaise à Chemulpo. Les équipages de marins vont alors rejoindre la capitale russe en avril.

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William Alexander Marshall (?) (1876-1906). Varyag and Korietz in Chemulpo (9 février 1904)

C'est avec enthousiasme que les rescapés sont reçus, le 27 avril 1904, par une foule considérable. Puis Nicolas II passe en revue les troupes :

LES HÉROS DE CHEMULPO A SAINT-PÉTERSBOUG
Saint-Pétersbourg, 29 avril.
Les officiers et les hommes des équipages du Varyag et du Korietz sont arrivés ici aujourd'hui et ont été reçus avec enthousiasme.
[...]
A l'apparition du train occupé par les héros de Chemulpo, ceux-ci sont salués par de bruyants hourras, puis le grand-duc Alexis, entouré des amiraux Avellan, Rojdesvenski, Nilow et d'autres chefs de la marine, reçut le rapport du commandant du Varyag, Roudnieff.
[...]
Au Palais d'Hiver, les marins du Varyag et du Korietz se sont rangés de front. L'empereur, suivi du tsarewitch et des grands-ducs les a passés en revue et les a remerciés.


Le Petit Journal, Paris, 30 avril 1904, p. 3.

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L'empereur Nicolas II, les grands-ducs et leur état-major passent en revue les survivants du "Varyag-" et du "Korietz"
L'Illustration, nº 3194, 14 mai 1904, p. 326.

De retour d'un voyage interrompu sur le Transsibérien (février 1904), Félix Mesguich arrive à Moscou où il peut récupérer le matériel cinématographique lui a été confisqué à Tchita  : 

A Moscou, je rentre enfin en possession de mon bien. Il était temps, car la ville prépare une réception grandiose aux équipages des croiseurs Varyag et Korietz. Attaqués par la flotte japonaise à Chemulpo, officiers et marins se sont défendus avec acharnement, coulant avec leurs navires plutôt que de se rendre. Recueillis sur les épaves par leurs vainqueurs, ces braves ont été rendus à la liberté.
C'est dire l'enthousiasme qui préside à cette cérémonie. Je réussis à cinématographier leur défilé et particulièrement, la revue au cours de laquelle le grand-duc Serge remet des décorations aux « rescapés ».
Grâce à mon ami Léopold Maurice, envoyé à Moscou par les laboratoires du docteur Doyen, pour y être chargé du service ciné-chirurgical du docteur Modlinski, je profite d'une installation toute prête pour le développement et le tirage des positifs. M. Charles Aumont, directeur du théâtre de ce nom, m'offre aussitôt de les présenter dans son établissement. Mais Moscou étant en état de siège, je dois solliciter au préalable l'autorisation du général Trépov, grand maître de police. ·
Sur l'intervention du consul de France, je suis facilement reçu.
A mon entrée, j'ai à peine le temps d'apercevoir le général assis devant son bureau dont un tiroir est ouvert. Il y saisit précipitamment un revolver et se lève d'un bond pour me mettre l'arme sous le nez, au moment même où, alertés sans doute par un appel secret, deux policiers font irruption dans la pièce et se saisissent de moi. Je ne comprends rien à ce qui m'arrive. Dans mon émotion, en m'expliquant tant bien que mal, je dépose sur le bureau la boîte métallique qui renferme le film historique.
A ce moment, sur un signe de leur chef, mes deux gardes du corps s'écartent, et je devine que c'est ma petite boîte de fer blanc qui a ébranlé le courage cependant réputé de mon interlocuteur. Il l'a prise pour une bombe!
Il est d'ailleurs le premier à en rire. Il renvoie ses deux subordonnés et je déroule tranquillement à la main le ruban à images, qui paraît intéresser fort le général. C'est en souriant qu'il appose sa signature sur le visa, puis d'une voix cordiale, il me confie : " Vous vous êtes aperçu, j'en suis sûr, que ma place est moins enviable que la vôtre ; il y a plus de surprise et moins de liberté. "
La réaction du général Trépov était d'autant plus naturelle que son père avait été assassiné dans l'exercice des mêmes fonctions. Ne devait-il pas d'ailleurs, l'année suivante, payer de sa vie sa fidélité au régime impérial...


Félix Mesguich, Tours de manivelle, Paris, Grasset, 1933, p. 65-67.

Il semble qu'il y ait là une certaine confusion entre Moscou et Saint-Pétersbourg. En effet, la revue organisée pour accueillir les marins se déroule dans cette dernière capitale, le 29 avril 1904. La presse n'évoque pas, alors, une autre revue à Moscou.

L'idée de Félix Mesguich est de pouvoir commercialiser ces vues et c'est avec cette intention qu'il prend contact, par l'intermédiaire de son épouse, avec la maison Pathé afin de lui vendre les films. Cette dernière dit ne pas être intéressée... mais diffuse le film, dès le 10 mai 1904, dans la salle du Petit Journal. Le jugement permet de connaître les dessous de l'affaire : 

3e Espèce : — (Mesguich C. Compagnie générale des Phonographes et Cinématographes, etc.). — JUGEMENT.
LE TRIBUNAL; —Attendu que Mesguich Moïse-Félix, propriétaire privatif de trois films négatifs représentant « l'arrivée à Moscou des états-majors et marins du Varyag et du Korietz coulés à Chemulpo et la revue passée par le grand-duc Serge, a, aux termes d'une assignation du 21 juin 1904, cité devant le tribunal de la Seine la Compagnie générale des phonographes, cinématographes et appareils de précision, anciens établissements Pathé frères, en paiement d'une somme de 2,000 francs à titre de dommages-intérêts, pour avoir sans droit fait usage de clichés lui appartenant en donnant au public dans les locaux du Petit Journal des représentations de cinématographe; — Attendu qu'après avoir fait, le 25 février 1905, le dépôt légal au ministère de l'Intérieur des trois films négatifs dont il est propriétaire, Mesguich procédant aux fins de l'assignation susvisée, a, par exploit de Coupa, huissier commis à cet effet, assigné la même Compagnie à l'effet de s'entendre condamner à lui payer la somme de 2.000 francs,de dommages-intérêts pour avoir commis le délit de contrefaçon prévu et puni par la loi de 1793, les art. 425 et suiv. c. pén. ; qu'il demande l'insertion du présent jugement dans dix journaux à son choix et la confiscation à son profit de la bande contrefaite et saisie ; — Attendu, en fait, qu'il n'est pas dénié que les trois clichés ou films négatifs dont s'agit ont été envoyés à la dame Mesguich par son mari pour qu'elle pût les vendre ; que celle-ci les ayant proposés à la Compagnie défenderesse a été autorisée par Mesguich lui-même par sa lettre du 30 avril 1904 à tirer un positif à titre d'essai, et que le 10 mai suivant, les frères Pathé ont rendu les négatifs en disant qu'ils ne présentaient pas un caractère assez général pour leur genre de vente, que c'est dans ces circonstances et malgré cette déclaration que la Compagnie des Etablissements Pathé a donné dans les locaux du Petit Journal sis à Paris, des séances de cinématographe au cours desquelles elle a exhibé en projection l'épreuve positive représentant « à Moscou les héroïques officiers et marins du Varyag et du Korietz passés en revue par le grand-duc Serge » ;
En droit, sur la contrefaçon : — Attendu qu'il n'est pas allégué que la Compagnie défenderesse ait fait usage d'un positif autre que celui qu'elle avait été autorisée à tirer ; que Ton n'est pas contrefacteur pour employer contrairement aux instructions et indications du propriétaire l'objet qui a été régulièrement reproduit; que Tonne le devient, aux termes des lois et articles précités, que par le fait d'avoir édité l'oeuvre qui porte atteinte aux droits de propriété de l'auteur ; que l'épreuve positive incriminée ayant été tirée avec l'autorisation de Mesguich et n'ayant par suite aucune origine délictueuse, la demande en contrefaçon ne saurait, être accueillie;
En ce qui touche la demande en dommages-intérêts : — Attendu que la Compagnie des Etablissements Pallié a incontestablement, par ses agissements peu scrupuleux, abusé de l'autorisation qui lui avait été donnée de tirer une bande positive afin de se renseigner; qu'elle doit être tenue de réparer le préjudice causé par son fait au demandeur; — Attendu, sur les dommages-intérêts, qu'il convient de tenir compte de ce que les négatifs appartenant à Mesguich ont, par suite de l'exhibition qui en a été faite pendant trois semaines dans les locaux du Petit Journal, perdu leur caractère d'objets inédits et la plus grande partie de leur valeur; que le tribunal possède les éléments d'information nécessaires pour déterminer le montant du préjudice;
Par ces motifs, rejette comme mal fondée la demande en contrefaçon ; condamne la Compagnie générale des phonographes, cinématographes et appareils de précision à payer à Mesguich pour les causes sus-énoncées la somme de 1.200 francs à titre de dommages-intérêts ; ordonne, à litre de supplément de dommages-intérêts, la remise au demandeur de la bande saisie ; dit n'y avoir lieu d'ordonner les insertions demandées ; déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions; ordonne l'enregistrement des lettres susvisées : condamne la Compagnie défenderesse encore à titre de supplément de dommages-intérêts en tous les dépens qui comprendront les frais de saisie.
Du 17 mars 1905.-Trib. civ. de la Seine, 3°ch.MM. Lefebvre-Devaux, pr.-Desjardin et Allart. av.


"Cours d'appel et tribunaux", Dalloz, Jurisprudence générale, 1905, p. 391.

De cet épisode juridique, le cinématographiste en donne sa version - conforme globalement à la vérité - dans ses mémoires :

Ce film devait avoir une autre histoire. A peine tiré, j'en avais expédié le négatif à Paris, pour qu'il fût vendu à une grande maison d'édition. Quelques jours après, en lisant les journaux de France, j'eus la satisfaction d'en apercevoir le titre au programme de plusieurs établissements.
Aussi, grand fut mon étonnement en rentrant à mon domicile parisien, d'y retrouver la fameuse boîte. Une lettre de la maison d'édition déclarait ne pouvoir accepter mon offre, Cette fin de non recevoir était d'autant plus incompréhensible que la projection était effectuée par ses soins, à l'heure même, dans toutes les salles de cinéma de la capitale.
Je me décidai avec regret à en faire saisir toutes les copies en cours de représentation. Un procès s'ensuivit. Mon adversaire fut condamné à me verser le prix du négatif, tel que je l'avais établi, plus une indemnité d'une douzaine de cents francs. En outre, la propriété de tous les exemplaires saisis m'était acquise.


MESGUICH, 1933: 67-68.

En revanche, nous ignorons à quel type de distribution a eu droit, par la suite, le film.

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