Alexandre et Jules PIPON

(Paris, 1865-Sens, 1923/Versailles, 1870-Paris, 1899)

Jean-Claude SEGUIN

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Jean, François, Quantin Pipon (Corbon, 11/03/1807-Paris 18e, 14/11/1873) épouse (Louviers, 12/01/1835) Alexandrine, Adélaïde Potdefer (Louviers-Paris 16e, 26/12/1889). Descendance :

  • Alfred, Alexandre Pipon (Elboeuf, 01/10/1836-Paris 5e, 20/11/1892) épouse (Paris 14e, 15/12/1864) Claire, Julienne, Marie Duplessis (Versailles, 18/07/1844-Paris 14e, 04/02/1929). Descendance :
    • Alexandre, Jules Pipon (Paris 6e, 22/10/1865-Sens, 13/03/1923) épouse (Paris 5e, 31/05/1890) Cécile, Julie, Diégo, Clara, Emmanuelle, Theodore Montés (Paris 3e, 24/02/1867-). Descendance :
      • Jean, Jules, Alexandre Pipon (Paris 3e, 09/05/1891-Joinville-le-Pont, 10/05/1973).
        • épouse (Paris 12e, 15/12/1917) Armande, Louise Ceville (Paris 14e,13/10/1898-Paris 12e, 03/02/1929. Descendance :
          • Roger, Jean, Alexandre, Auguste Pipon (Paris 12e, 06/12/1918-Darois, 12/12/2008) épouse (Dijon, 21/03/1942) Andrée, Marie, Louise Fleury.
          • Henri, Antonio, Émile, Léon Pipon (Pothières, 18/10/1926-) épouse (Mailly-le-Camp, 28/11/1949) Yvette, Claire Mahu (Mailly le Camp, 19/07/1926-Carcassonne, 15/07/2017).
        • épouse (Paris 12e, 12/08/1930) Félicienne, Georgette Laffly (Paris 7e, 08/01/1887-Paris 12e, 04/03/1956).
        • épouse (Saint-Maur-les-Fossés, 12/11/1956) Marie, Louise, Hélène Vanderkelen.
    • Jules, Alexandre Pipon (Versailles, 27/02/1870-Paris 11e, 18/03/1899) épouse (Champigny, 08/06/1895) Berthe, Eulalie Lagarde (Paris 19e, 29/01/1866-Paris 12e, 24/10/1948). Descendance :
      • Suzanne, Claire, Alexandrine Pipon (Paris 5e, 06/03/1894-) épouse (Champigny-sur-Marne, 25 novembre 1912) Théophile, Alexandre, Leonidas, René Migault (Taverny, 29/10/1884-). 
    • Émile, Alfred, Jean Pipon (Boulogne-sur-Seine, 24/11/1872-Paris 6e, 08/10/1927) épouse (Paris 14e, 11/07/1896) Alexandrine Marcellin (Paris 14e, 05/04/1877-). Descendance:
      • Léopold, Auguste, Émile Pipon (Paris, 02/10/1899-Suresnes, 08/02/1980).
      • Lucien, Alexandre, Alfred Pipon (Paris, 04/01/1902-Charenton-le-Pont, 31/03/1981):
        • épouse (27/04/1926) Yvonne Joséphine Campionnet.
        • épouse (08/12/1971) Solange Carnot. 
      • Juliette, Françoise, Augustine Claire Pipon (25/04/1905-Clamart, 07/05/1995) épouse (27/04/1926) X.
    • Juliette, Adelaïde, Ursule Pipon (Paris 11e, 24/07/1875-Paris 14e, 11/02/1948)
      • épouse (Paris 5e, 11/07/1897) François Decker (Paris 5e, 14/04/1876-). Divorce (04/10/1913).
      • épouse (Paris 14e, 07/01/1922) Marceau, Aimé, Octave, Narcisse Luttwiller.

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Le père des frères Pipon, Alfred Alexandre commence comme coiffeur à Paris (vers 1865), puis exerce le métier de gymnasiarque à Versailles (vers 1870), puis celui de serrurier (Boulogne-sur-Seine). La famille revient à Paris en 1890 où Alfred Alexandre travaille comme employé de pharmacie. Les frères Alexandre et Jules Pipon se forment comme mécanicien, l'aîné est tourneur en cuivre (1891), le second est ajusteur (1891), avant de s'orienter vers la fabrication d'appareils d'optique. En 1885, Alexandre est exempté de ses obligations militaire et, en 1890, Jules est, à son tour, dispensé de service militaire. C'est vers la fin de l'année 1893 qu'ils ouvrent, 1, rue de la Bastille, un magasin de fournitures pour la photographie (Annuaire-almanach du commerce, édtion 1894), puis s'installent successivement  au nº 5 rue Castex (1894), puis au 10, rue de Thorigny (1895). Ils déposent un brevet (GB 1895, Nº 8267) pour des " improvements in Dark Rooms used in Photography ".

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Annuaire-Almanach du commerce, Paris, 1896

Le 13 novembre 1895, les deux frères fondent la société en nom collectif A. et J. Pipon, sise au 10, rue de Thorigny et au capital de 40.000 francs. La société a pour objet "l'exploitation d'un fonds de commerce de Fabrication d'appareils photographiques" (Archives de Paris, D31U3 761). Sans doute n'ont-ils pas encore intégré les " images animées " à leur projet puisque c'est au mois de mars 1896 qu'ils déposent leur premier brevet pour le Cinographoscope (Brevet FR 254394 du 2 mars 1896).

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Société A. et J. Pipon, Cinographoscope, Brevet FR FR 254394 du 2 mars 1896
© INPI
imp. F. Appel, Cinographoscope. A. J. Pipon Presseq. Projections animées, 08 x 62 cm, (c. 1896)
© BNF

Afin de pouvoir exploiter leur invention et compte tenu de la vogue du cinématographe naissant, Alexandre et Jules Pipon fondent, le 27 avril 1896, avec René Pressecq, une nouvelle société, en nom collectif, la " Société du Cinographoscope " dont l'objet est " la vente et exploitation de toute sorte d'un appareil pour production et projection de vues animées " (Archives de Paris, D31U3 751). Dès le mois de juin, la commercialisation est effective et des projections ont lieu en France. L'une des plus significatives est celle du musée Oller, dans les sous-sols de l'Olympia (28, boulevard des Capucines), où  l'on présente un cinographoscope. Des projections sont également organisées dans de nombreuses villes françaises: Le Havre (juin-juillet 1896), Neuilly-sur-Seine (juin), Amiens (juin-juillet et octobre), Saint-Étienne (juillet-août), Rennes (juillet-août), Saumur (août), Saint-Brieuc (août), La Rochelle (août-septembre), Sens (septembre), Brest (septembre-octobre), Dijon (octobre-novembre), Vannes (novembre), Paris (Musée Oller, février 1897), etc.

pipon 03 pipon 1896 cinographoscope brighton
Le Journal, Paris, 18 juin 1896, p. 4. The Brighton Gazette, Brighton, 26 septembre 1896, p. 4.

Le nom "cinegraphoscope" désigne également un appareil américain de Charles H. Webster qui, après avoir travaillé, en Europe, pour la Vitascope Company, fonde sa propre société, la Cinegraphoscope Company. Cette entreprise fabrique un appareil du même nom qui commence à être commercialisé en novembre 1896 et est diffusé aux États-Unis, en Grande-Bretagne et, probablement aussi, en Italie.

On ne sait que très peu de choses en ce qui concerne la production cinématographique de l'appareil des frères Pipon. Dans les Archives Cantonales de Saint-Gall (Fonds Thürlemann) en Suisse, on conserve un échantillon de six photographes:

5. Cinegraphoscope des frères A. et J. Pipon (France).
Échantillon de six photogrammes envoyé de Paris par le commerçant saint-gallois Ludwig Thürleman à son frère, l'architecte Johann Baptist Thürlemann, Oberbüren (Saint-Gall), le 24 août 1896, avec la description suivante: "Das längere Stück ist eine Wohnung, wo ein bébé herumwackelt und sein Spielzeug und die Hunde balgt."
Ces images et trois photogrammes d'une autre bande (un paquebot battant pavillon français passe au large d'un phare) sont les seuls vestiges connus de bandes tournées sur cet appareil breveté en France le 2 mars 1896, nº 254 394.
Un Cinographoscope servit aux projections zurichoises du 22 au 26 septiembre 1896, au Schützengarten, Bahnhofquai nº 15.


COSANDEY, 1996: 46.

D'autres fragments sont conservés dans des collections privées. Les perforations des films Pipon se situent, plus ou moins, au milieu du photogramme.

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Pipon nº1
Collection particulière
Pipon nº 2
Collection particulière
[Pipon nº 3]
Collection particulière
Pipon nº 4
Source: Archives Cantonales de Saint-Gall (Fonds Thürlemann)

Après le décès de Jules Alexandre en 1899, de nouveaux associés font leur apparition dans la société transformée en Société Anonyme A.J. Pipon, au capital de 400.000 francs. Désormais situé 4 et 4 bis, allée-verte à Paris:

Constitution. — Suivant acte sous signature privée fait double à Paris le 10 juin 1899, dont l’un des originaux a été déposé au rang des minutes de Me Cottenet, notaire à Paris, soussigné, le 13 juin 1899, ont été arrêtés les statuts d’une Société anonyme dans les termes de la loi du 24 juillet 1867, modifiée par la loi du 1er août 1893. Desquels statuts il a été extrait ce qui suit : Cette Société prend la dénomination de : Société de fabrication d’Appareils photographiques A.-J. Pipon.
Elle a pour objet : L’exploitation de la fabrique d’appareils photographiques, créée par MM. A. et J. Pipon, dont M. A. Pipon se trouve aujourd'hui seul propriétaire ; l’acquisition et l’exploitation sous toutes formes, de toutes fabriques similaires ; l’achat et la vente de tous appareils et produits quelconques ayant rapport à la photographie. Et en général toutes opérations immobilières commerciales, industrielles et financières se rattachant directement ou indirectement à l’objet de la Société.
Le siège social est à Paris, allée Verte, nos 4 et 4 bis.
La durée de la Société est fixée à 30 années à compter du jour de sa constitution définitive.
Le fonds social est fixé à 400.000 francs et est divisé en 4.000 actions de 100 francs chacune, dont 1.500 entièrement libérées sont attribués à l’apporteur et les 2.500 de surplus entièrement souscrites et libérées du quart.
En représentation des apports de M. Pipon, il lui est attribué 1.500 actions de 100 francs chacune entièrement libérées et une somme de 150.000 fr. en espèces.
Sur les bénéfices nets il est prélevé : 5 % pour constituer le fonds de réserve prescrit par la loi ; la somme nécessaire pour payer aux actionnaires à titre de dividende 5 % du montant de leurs actions ; la somme nécessaire pour payer au directeur statutaire les 10 % auquel il a droit sur les bénéfices. Sur le surplus des bénéfices nets, il est attribué 5 % au conseil d’administration sans que la somme totale lui revenant ainsi puisse dépasser 6.000 fr. par année. Le solde sera réparti aux actions à titre de dividende par parts égales. Le paiement des dividendes se fait annuellement aux époques et lieux désignés par le conseil d’administration.
Ont été nommés administrateurs : MM. Alexandre Jules Pipon, fabricant d’appareils photographiques, demeurant à Paris, allée Verte, 4 et 4 bis ; Georges Sauret, rentier, demeurant à Paris, rue du Mont-Thabor, 32 ; William Kenngott, commissionnaire, demeurant à Paris, rue de Saintonge, 64 ; Gaston Roosz, employé de commerce, demeurant à Paris, rue des Petits-Hôtels, 36; et Emile Brulé, employé de commerce, demeurant à Bois-Colom (Seine), avenue Baudard, 19. — P. A. 20 juillet 1899.

La société dépose les marques “Cosaque” et "Cosaque Junior” pour désigner des appareils photographiques que la maison Kodak va considérer comme une imitation.

pipon appareil cosaque pipon cosque
Pipon, "The New Cosaque" Publicité pour les appareils Pipon

L'objet du litige porte en fait sur les noms d'appareil et l'homophonie entre "Kodak" et "Cosaque" comme l'explique l'article suivant: 

La Société de fabrication A.-J. Pipon, postérieurement au dépôt de cette marque, mit en vente des appareils photographiques ainsi que des rondelles en cuivre et en celluloïd portant les dénomations de The New Cosaque et Le Cosaque; -la Société Eastman Kodak vit là un fait de contrefaçon ou d'imitation frauduleuse et fit pratiquer une saisie régulière chez la Société A.-J. Pipon; puis elle introduisit contre cette dernière une demande en justice tendant au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice causé.
Par son jugement en date du 8 décembre 1900, la troisième chambre du Tribunal civil de la Seine a estimé qu'en l'espèce, à raison de la différence entre les deux marques, le reproche de contrefaçon n'était pas fondé; -mais il a déclaré qu'il y avait cependant imitation frauduleuse de marque de fabrique. Cette décision s'est basée sur ce fait que les dénominations Cosaque et The New Cosaque apposées sur les appareils photographiques de la Société A.-J. Pipon étaient  de nature à créer, par leur similitude phonétique avec celle de Kodak une confusion évidente. L'impression produite sur l'ouïe est, dans ces différents mots - suivant le dispositif de ce jugement - assez semblable pour qu'un acheteur ne connaissant pas les deux articles puisse croire facilement, en accpetant un appareil dénommé Cosaque ou The New Cosaque qu'il s'agit d'un article de la fabrique "Eastman Kodak".


L'Information photographique, nº 1, Paris, janvier 1902, p. 30-31.

Le 18 octobre 1902, la société A.J. Pipon est dissoute, mais Pipon va poursuivre son activité (9, rue Lasson, Paris, 12e). Il semble avoir rejoint la franc-maçonnerie en 1906. En 1907, Alexandre Pipon dépose un brevet pour un "cinématographe plus particulièrement destiné à la publicité". Associé à l'italien Victor Calcina, il dépose deux nouveaux brevets pour un "appareil pour la reproduction directe d'un négatif cinématographique sur un positif réduit" et une "pellicule cinématographique".

La société A. J. Pipon est déclarée en état de faillitte (22 janvier 1914), mais dans les années 1920, Pipon est toujours en activité et dépose de nouveaux brevets. En 1922, il est constructeur à Sens. En 1932, on trouve dans l'Annuaire du Commerce (Paris, Didot-Bottin, 1932) des références à "Pipon & Cie, appareillage électrique, lampes, publicité, av. Victor-Hugo, 236, à Clamart (Seine) et J. Pipon opticien, av. du Général-Michel-Bizot, 179. Sans doute s'agit-il d'autres membres de la famille.

Le fils d'Alexandre, Jean, Jules, Alexandre Pipon dépose également des brevets dans le domaine de l'optique et la lunetterie. L'autre frère Émile Pipon poursuit, de son côté, une carrière comme inventeur et photographe. On lui doit un "dispositif inverseur pour projections cinématographiques".

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Publicité  pour les appareils "Emile Pipon". (c. 1900)

Bibliographie

COSANDEY Roland, Trente films dans une boîte à chaussures. Cinéma 1900, Lausanne, Editions Payot, 1996, 160 p.

GÉRARD Étienne, "Émile Pipon", Res Photographica, nº 222, avril 2021, p. 2-16.

Remerciements

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Thierry Lecointe.

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