Le printemps me trouve à Séville pour la Semaine Sainte. A voir la ferveur religieuse des foules pendant les processions traditionnelles, on s'explique l'Inquisition. Et quelle mise en scène ! Les confréries, sous la cagoule et la robe des pénitents, le clergé, dans ses ornements sacerdotaux, les porteurs courbés en deux sous le poids des châsses, lourdes de l'espérance chère aux pauvres gens; la foule prosternée qui frappe le sol d'un front obstiné. Et le décor ! Dans la rue, un amoncellement de feuillages et de fleurs au pied des Christs en croix, parmi le chant des fontaines d'eau vive ; à toutes les fenêtres, la joie muette des Andalouses et le ruissellement des tapis.
Profond mysticisme d'une ville qui, à en croire la légende, vit naître Don Juan et qui, après ses aventures, le recueillit dans un couvent, vieilli et désabusé.
Pour ma dernière journée, j'assiste à la " Féria " de Pâques.
Tout s'enflamme sous le soleil. Je fixe pour de longs jours le sourire et la grâce des Sévillannes en
mantilles. Une jeunesse enthousiaste palpite au son de la guitare, des jeunes filles drapées de châles brodés dansent le " fandango ", au bruit des castagnettes et des cris de : " Ollé ! Ollé ! " Mirage classique de l'Andalousie.
Quelques tours de manivelle sur la cathédrale et la fameuse tour de la Giralda, et je quitte la péninsule.
MESGUICH Félix, Tours de manivelle, Paris, Grasset, 1933, p. 42.