- Détails
- Création : 25 mars 2015
- Mis à jour : 11 juillet 2024
- Publication : 25 mars 2015
CALAIS
Jean-Claude SEGUIN
Calais, ville du département du Pas-de-Calais (France), compte 56.867 habitants (1894).
1896
Le Cinématographe (Nouveau Casino, 15->15 juin 1896)
À la mi-juin, le cinématographe s'installe au Nouveau Casino:
Connaissez-vous le cinématographe ? Non. Voici ce que nous en dit un de nos amis, abonné à la Compagnie du Nord, qui a fait le voyage de Calais à Lille uniquement pour assister à une de ses curieuses expériences. Le cinématographe est une invention nouvelle qui fait sensation chez tous les amateurs du merveilleux. Il faut l'avoir vu pour se rendre compte de l'impression extraordinaire qu'il produit car, si grands que soient les progrès accomplis par la science, on était loin de se douter qu'un jour viendrait où l'on pourrait communiquer le mouvement, la vie à une photographie. Tout extraordinaire que paraisse la chose, c'est pourtant ce à quoi on arrive maintenant avec la nouvelle découverte. Ainsi, pour vous donner une idée de la chose, supposez par exemple que demain dimanche on vienne à 3 ou 4 heures braquer un objectif place d'Armes au moment où les tramways de la ville et de la plage arrivent, chacun de son côté, bondés de voyageurs, où les piétons circulent, en un mot où l'animation bat son plein, qu'on laisse l'appareil enregistrer les mouvements pendant une minute seulement Eh bien ! Ce ne sera pas une épreuve ordinaire que l'on fera et que l'on vous montrera, non, loin de là, car si l'on vous plaçait devant un grand écran sur lequel on projetterait cette photographie, vous verriez tout d'un coup, comme si de sa baguette magique une fée avait touché le cliché, vous verriez disons-nous les tramways de tout à l'heure s'arrêter comme nous l'avons vu de nos propres yeux, les voyageurs descendre, d'autres remonter immédiatement et les voitures repartir chacune dans sa direction, en reconnaissant parfaitement les personnes que vous connaissez, pendant que d'autres traversent la place, se croisent, se saluent, se serrent la main, se parlent, vont s'asseoir à une table de café ou allument un cigare, en un mot toutes les scènes qui se sont déroulées dans le champ de l'objectif et avec la même sincérité que si, au lieu de fixer l'écran, vous regardiez la place. C'est, croyez-nous, après la photographie de l'invisible, le dernier progrès de la science. Et nous espérons qu'un de ces jours la Société de photographie voudra bien nous installer le cinématographe afin que nous ne soyons pas obligés d'aller à Lille pour en admirer les merveilleux résultats.
Le Phare de Calais, Calais, 7 juin 1896.
Quelques jours plus tard, le même journal confirme l'arrivée prochaine du cinématographe:
Nous avons parlé dans notre dernier numéro du cinématographe et demandions que la Société des photographes voulût bien prendre l'initiative de l'installation d'un appareil à Calais. M Bresson, toujours à la recherche des attractions nouvelles s'est rendu concessionnaire pour le département du Pas-de-Calais de l'appareil cinématographique dont les premières expositions auront lieu au casino le 14 juin prochain. L'attrait exceptionnel de ce spectacle aura, nous en sommes persuadé, un succès considérable. À noter que les photographies animées sont coloriées.
Le Phare de Calais, Calais, 11 juin 1896.
L'inauguration est prévue pour le 15 juin:
Dès demain nous pourrons admirer le cinématographe, installé dans le pavillon central, nouvelle découverte de la photographie instantanée en couleurs faisant courir tout Paris chez les frères Isola, boulevard des Capucines, à l'Olympia, au café Riche et aux grands magasins Dufayel, boulevard Rochechouart. Nous avons eu la bonne fortune de voir fonctionner pendant les vacances de Pâques le cinématographe et nous en sommes resté stupéfait. Nul doute que tout Calais ne tienne à venir au nouveau casino se rendre compte de la dernière merveille de la science.
Le Phare de Calais, Calais, 14 juin 1896.
Le Kynématographe (Nouveau Casino, 5 juillet-<6 août 1896)
Un Kynématographe, après quelques problèmes techniques, offre des projections animées au Nouveau Casino:
Après deux insuccès successifs, nous avons eu enfin dimanche les premières séances du Kynématographe, suivant la nouvelle orthographe américanisée, au pavillon central avec audition d'airs variés joués sur le piano.
Le Phare de Calais, Calais, 9 juillet 1896.
Un nouvel article permet de connaître un certain nombre de vues du répertoire:
Le cinématographe obtient chaque soir un succès égal à celui qui l'attend dans toutes les villes où il fait son apparition. Parmi les tableaux les plus réussis, citons : "La danse serpentine", "Le sauvetage", "Séance de boxe", et surtout la "Scène américaine du lynch" avec pendaison du coupable accompagnée de coups de revolver -et de vivats suivis de manifestation chapeaux en l'air ! Tous les soirs à 9 h, 10 h, 11 h et minuit, séance avec 9 photographies animées ; tous les dimanches; lundis et jeudis séances de jour pour permettre aux enfants de voir la dernière merveille de la photographie et de l'électricité ; à partir de demain dimanche, le cinématographe fonctionnera à 5 h, 6 h et 7 h. Allons ! prenez vos tickets ! Prix à la portée de toutes les bourses. 50 c. par personne.
Le Phare de Calais, Calais, Calais, 12 juillet 1896.
D'autres vues animées sont annoncées peu après:
Le cinématographe a donné des séances de jour et de nuit fort intéressantes ; le programme des premiers jours est presque totalement changé. Ainsi nous avons vu de nouvelles photographies animées représentant un curieux "Combat de chats", une belle "Danse écossaise", un bizarre "Divertissement soudanais", un "Jeu d'enfants aux Tuileries" avec le mouvement de la rue de Rivoli. En outre, la "Danse serpentine", les "Deux scènes de Madame Sans-Gêne", le "Sauvetage de deux enfants" au milieu de la fumée d'un violent incendie, les "Boxeurs anglais" et la fameuse "Danse du ventre", le grand succès de l'exposition de 1889, complétant un spectacle fort attrayant pour les grandes personnes autant que pour les enfants.
Le Phare de Calais, Calais, 16 juillet 1896.
Les informations publiées une semaine plus tard semblent indiqués qu'il n'y a gue de variétés dans les programmes:
Au cinématographe, changement presque complet des projections dans les séances de jour et de nuit, avec programmes variés. Nous avons remarqué un curieux "Combat de coqs", si courus en Angleterre et la vue d'un mouvement extraordinaire de voitures et de piétons en plein cœur de Paris, au "Boulevard Montmartre", angle de la rue Drouot. Avec les "Danses de diverses nationalités", les "Combats de chats", le "Sauvetage en plein incendie", le "Lynch américain", les "Scènes de Madame Sans-Gêne", le "Jardin des Tuileries et la rue Rivoli à Paris", on peut passer une demi-heure agréablement aux sons d'un automatique-musical jouant les airs les plus en vogue.
Le Phare de Calais, Calais, 23 juillet 1896.
Le cinématographe s'en va dans les premiers jours du mois d'août:
On nous dit que par suite du départ du cinématographe, le pavillon central va avoir sa série de bals d'enfants.
Le Phare de Calais, Calais, 6 août 1896.
Le Cinématographe (Théâtre Municipal, <3 décembre 1896)
Au théâtre municipal, le directeur M. Joubert renouvelle les programmes et présente, en particulier, un film de la collection Pirou:
CALAIS.-Le théâtre municipal a pour directeur M. Joubert. Cet impresario a su apporter des améliorations à notre antique salle de la rue Leteux.
[...]
Dans une des dernières représentations l'on a donné une séance de cinématographie, le Bain de la Parisienne a fait beaucoup plaisir.
La Lanterne, Paris, p. 3 décembre 1896, p. 3.
1906
Le Splendid-Cinéma (<1er novembre 1906)
Le Splendid-Cinéma propose des programmes qui durent trois heures :
Le « Splendid-Cinéma » qui donne actuellement., à Calais, une série de représentations. présente, assez d’intérêt au point de vue artistique pour faire, dans notre Revue, l’objet d’une petite chronique.
La Direction, près de laquelle nous avons rencontré cette amabilité de bonne aloi qui sied si bien, et dont tout imprésario intelligent sait faire une de ses caractéristiques — hormis, pourtant, certain directeur théâtral très neuf et très local qui use et vit de l’art en ne lui mesurant, néanmoins, sa sympathie, que suivant l’importance des bénéfices qu’il en tire ; et veut bien consentir quelque faveur aux journalistes et écrivains, mais à condition que ces derniers ne s'occupent pas exclusivement, de questions littéraires et artistiques, — la Direction, dis-je, a bien voulu nous faire l'honneur de ses entrées. Nous la remercions de sa gracieuse attention à l’égard de nos modestes personnes, témoignant de l’intérêt qu’elle professe à l’endroit des choses dont s’occupe notre plume, ce dont nous la félicitons aussi sincèrement.
Cette aimable courtoisie nous a valu quelques bonnes et intéressantes soirées qui nous ont permis de constater que l’art de la cinématographie, en plein progrès, offre des jouissances de plus en plus captivantes. Au « Splendid-Cinéma », c’est un choix savant de tableaux, une richesse exceptionnelle de misa en scène, et une netteté irréprochable de reproduction.
Trois heures durant, l’écran lumineux a fait dérouler devant nos yeux des scènes multiples dont l’interprétation ne laisse rien à désirer. Les impressions ressenties, suivant les différents caractères des tableaux, sont sincères ; et les acteurs pathétiques, d’une mimique très expressive, savent, tour à tour, provoquer l’hilarité la plus vive ou l’émotion la plus poignante.
Citons parmi les meilleures de ces scènes : La Fée Printemps, Malheureux Pion, La Revanche de l’Enfant, Le Sorcier Arabe, Les débuts d’un Chauffeur, Le Fromage dénonciateur, Bois. Sans Soif, La Noce en Goguette.
Les grandioses panoramas que nous offrent : Le Voyage au Canada, A travers la Hollande, d’un réalisme frappant, sont passionnants et instructifs ; de même, les superbes féeries : Le fils du Diable et l’Obsession de l’Or, débordantes de lumières, de couleurs, et d’une richesse incomparable de costumes, communiquent bien les impressions spécialement propres au mystérieux et au fantastique.
Les différentes phases des pièces à transformations sont d’un imprévu frappant qui impressionne au plus haut chef.
C’est, en résumé, un spectacle de premier ordre où la science s’allie étroitement à l’art, et que nous recommandons aux familles comme présentant un intérêt particulier au point de vue récréatif, en même temps qu’un enseignement précieux sous le rapport moral et instructif.
Ajoutons que la transformation complète que vient de subir l’ancien hippodrome calaisien l’ont rendu une salle propre à être recherchée pour son confort et son ornementation soignée. Cette métamorphose fait le plus grand honneur aux nouveaux propriétaires. Et, nous ne doutons pas que MM. Debuirre et Hirschel ne tirent de leur bel établissement le meilleur profit s’ils savent, avec l’intelligence qui leur est propre, continuer de l’exploiter pour le plus grand honneur des Arts et des Lettres, et suivant les goûts du public calaisien.
A. P.
La Revue des artistes, novembre 1906, p. 175.