Louis LEBORGNE

(Méru, 1861-Alès, 1926)

Jean-Claude SEGUIN

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Édouard, Eugène Le Borgne (Drozay, 14/11/1811-Paris 3e, 25/04/1870) épouse (Rouen, 25/10/1836) Marguerite, Victorine Rondel (Rouen, 22/05/1812-Paris 3e, 03/02/1885). Descendance :

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Les origines (1861-1895)

Fils d'un commis marchand demeurant à Paris, Louis Leborgne est né dans l'Oise. Alors qu'il n'est âgé que de trois ans, il perd sa mère. En 1883, il est déclaré bon pour le service militaire et part pour le 4e Régiment d'Infanterie le 20 novembre 1883. Il y fait la connaissance de Georges Méliès. Son signalement est le suivant: cheveux, sourcils et yeux châtains; visage ovale; taille 1 m. 67. Alors qu'il est sous les drapeaux, son père disparaît et il figure comme l'un des deux témoins sur l'acte de décès. Il passe dans la disponibilité de l'armée active le 26 septembre 1883. Au cours des années suivantes, il déménage, toujours à Paris, à de multiples reprises : 1, rue Titien (16/06/1884), 8 boulevard du Port-Royal (25/01/1885), 24, rue de Reine Blanche (16/08/1885), adresse qui figure sur sa fiche d'électeur de 1891, 51, avenue des Gobelins (14/11/1891), 24, rue d'Angoulême (03/05/1895), 198 av. de Choisy (23/03/1896).

La collaboration avec Georges Méliès (1896-[1902])

Installé à Paris, Louis Leborgne a dû sans aucun doute découvrir le cinématographe dès les premières semaines, et il a gardé en outre des contacts avec Georges Méliès  puisqu'il lui présente Lucien Reulos qui va devenir l'un de ses premiers collaborateurs :

A la sortie du théâtre, quelqu'un lui tape sur l'épaule. C'est Leborgne, un camarade de régiment, un "quinze cents francs" comme lui, qui a fait son volontariat d'un an à Blois. Il lui présente un ami:
-Monsieur Reulos, qui est plein d'idées et qui voudrait vous proposer quelque chose.


SAUVAGE, 1937.

À la fin du mois d'avril, un Leborgne présente le kinétograph au Havre, dont on peut penser qu'il s'agit de Louis :

MOULIN-ROUGE
Le Kinétographe
Incessamment aura lieu, au Moulin-Rouge, l'exhibition de cette merveilleuse découverte qui fait actuellement courir tout Paris. M. Mutel a pu obtenir, à prix d'or, un des extraordinaires appareils, que fera fonctionner le professeur Leborgne. Le Havre sera ainsi l'un des premières villes de province où l'on pourra voir ces si curieuses scènes de photographies animées, en grandeur naturelle.


La Cloche illustrée, Le Havre, 25 avril 1896, p. 3.

Par ailleurs, selon le témoignage de Madeleine Malthête-Méliès, il figurerait sur une photographie intitulée Joueurs de carte publiée dans l'ouvrage de Maurice Bessy et Lo Duca :

Il a placé Lucien Reulos derrière l'appareil de prise de vues et s'est installé à une table avec son frère Gaston, son ami Leborgne et Roberval, son ancien condisciple du lycée Louis-le-Grand. Il procède aux ultimes préparatifs. Saisissant un jeu de cartes, il recommande:


MALTHÊTE-MÉLIÈS, 1973 : 161-162.

0001 b
BESSY/LO DUCA, 1945: 74.

Ce témoignage - qui semble plutôt être une simple conjecture - reste malgré tout fragile et aucune autre information ne permet de le corroborer d'autant plus qu'il s'agit vraisemblablement d'une photographie et non pas du film Une partie de cartes figurant au catalogue. Ce que l'on sait avec certitude, en revanche, c'est qu'il travaille bien avec Georges Méliès et qu'il a peut-être participé à certains tournages comme l'indique la mention manuscrite qui figure sur le premier catalogue connu.

1896 01

À partir du 30 avril 1898, Louis Leborgne réside 7, rue de Montholon (Paris 9e), puis dès le 3 mars 1899, à Colombes, 17, rue des Champs. Cet éloignement géographique ne l'empêche pas pour autant de continuer à collaborer avec Georges Méliès comme en témoignage le document suivant daté du 20 juillet 1899.

1899 07 20 melies gimenoMAR 02 77030
Manufactures de vues sur pellicules pour projections animées. G. Méliès, Facture à Monsieur Gimeno. L.Leborgne. 20 juillet 1899.
Source: MAR-02-77030. Filmoteca Española.

À la fin de l'année 1900, il signe également pour Georges Méliès

1900 11 05 gimeno recu
Manufacture de Films pour Cinématographes. Reçu de Monsieur Gimeno. Paris. 5 novembre 1900. P/ Méliès. LLeborgne.
Source: MAR/04/165. Filmoteca Española.

Sur une autre facture, plus tardive, c'est encore Louis Leborgne qui signe pour Georges Méliès.

1901 01 25 melies ballissant
Manufactures de vues sur pellicules pour projections animées. G. Méliès, Facture à Monsieur [Balinatl]. L.Leborgne. 25 janvier 1901.
Source: archives Musée suisse de l’appareil photographique, Vevey. [Reproduit dans COSANDEY, 1996: 29].

Sur le recensement de 1901 (Colombes), il réside avec son "épouse", Maria Camus, rue des Champs, et figure comme comptable chez " Méliès ". Il exerce toujours la profession de comptable, sur les listes électorales de 1902. On perd sa trace pendant quelques années. Que peut-on penser alors du témoignage de Paul Méliès, fils de Gaston Méliès ? :

M. MELIES. Oh ! c'était merveilleux. Ca marchait très bien. A son bureau commercial. il y avait deux personnes. quand je suis arrivé LE BORGNE, son camarade de régiment, n'y était déjà plus. Il a dû quitter vers 1907. C'était un excellent homme d'affaire, tellement bon qu'il prenait à peu près un tiers des affaires pour lui. Il achetait des films de manière à ce que mon oncle ne s'en aperçoive pas, et il supprimait les nouveaux clients, et il lui prenait comme ça à peu près un tiers des affaires. Mon oncle ne s'en apercevait pas.
C"est par hasard, qu'il a fini par le découvrir.
Il aurait été plus avantageux de dire à LEBORGNE : "je vous intéresse à mes affaires" que de le fourrer dehors.


"Georges Méliès: réunion du 22 juillet 1944, Fonds Commission de Recherche Historique. CRH16-B1. Cinémathèque française.

Les problèmes évoqués expliquent-ils la disparition de Louis Leborgne ? Il est peu probable qu'il soit resté avec Georges Méliès au-delà de 1902.

Et après... (1903->1926)

Louis Leborgne a-t-il alors travaillé comme forain ? Rien ne permet de l'attester, mais quelques années plus tard il va épouser Solange Vignoly, sœur de Ferdinand Vignoly, banquiste qui va présenter dans les premières années du siècle un cinématographe Lumière. C'est en 1908 que l'on retrouve sa trace alors qu'il vient d'être élu vice-président du Syndicat des opérateurs qui a été formé le 22 avril :

Le Syndicat des Opérateurs
Les opérateurs cinématographistes, réunis salle du Cristal-Cinéma, 8, place de la Bastille, en assemblée syndicale. ont, conformément à leur statuts, procédé à l'élection d'un nouveau bureau et d'une commission de contrôle. Ils ont ensuite nommé une commission chargée d'établir les bases d'un brevet de capacité pour les opérateurs cinématographistes. Les bases du brevet établies, la commission se rendra auprès de M. le Préfet de Police, le priant de vouloir bien prendre leur demande en considération.
Il a été également décidé qu'une nouvelle réunion aura lieu le mercredi 16 décembre, à l'effet de porter à la connaissance des syndiqués le résultat du travail (bases du brevet) don! a été chargé la dite commission.
Ont été élus:
Président : Jean Mariani.
Vice-Président : Leborgne.
Secrétaire: Varsin.
Trésorier: Bonnaz.
Pour le Syndicat et par ordre
Jean Mariani.
AVIS
Les opérateurs qui n'ont pu assister à cette réunion sont priés d'envoyer, sans retard, par lettre, leur demande d'admission au Président du Syndicat. Mariani. 24, rue de Bagnolet, Paris. 20e.


Ciné-Journal, Paris, 10 décembre 1908, p. 6.

On ignore la durée de son mandat, mais il a pris fin avant l'année 1911. Louis Leborgne est alors comptable au Bercy Palace Cinéma comme cela est indiqué dans le recensement de Ville-d'Avray pour l'année 1911.

paris bercy palace cinema
Paris XIIe. La rue Taine-Le Bercy-Palace-Cinéma.

Quelques mois plus tard, il embarque sur La Savoie en direction de New York où il arrive le 10 juin 1911. Il doit se rendre en Amérique Centrale. L'adresse (22, rue de Bourgogne, Meudon) qu'il donne au service de l'immigration est celle de sa " cousine- Ms. Louise Camus. " Ce nom de famille est curieusement celui de sa seconde épouse (ou compagne) qui figure sur le recensement de 1901 (Colombes). Ce voyage va le conduire à Bluefields (Nicaragua). Au cours de cette expédition, dont on peut penser qu'elle a un but cinématographique, il figure comme photographe (document des services américains de l'immigration), et sur l'Imperator qui le ramène de Bluefields à La Nouvelle Orléans, il voyage avec le photographe Auguste Guérin et un autre français François Lardet qui, comme lui, ont pour dernier contact au Nicaragua, Mr. Darey. Puis l'on perd à nouveau sa trace. Sur son matricule militaire, aucune mention relative à une mobilisation lors de la 1re guerre mondiale. Au moment de son mariage avec Marguertie Vignoly, en 1919, il réside à Alès (place de la Mairie) et exerce la profession d'électricien. Deux ans plus tard, en 1921, il est recensé à Alès (21 rue de la Comté) où il exerce la profession de marchand de tabac. Il est toujours recensé à la même adresse, en 1926, où il figure alors comme "Directeur. Cinéma". Un autre "Louis Leborgne", né à St Ambroise en 1858 apparaît, à la même adresse, comme chef opérateur, mais il semble qu'il s'agisse plutôt d'un doublon ou erreur de recensement.

Sources

BESSY Maurice et LO DUCA, Georges Méliès Mage, Paris, Prisma, 1945, 206 p.

COSANDEY Roland, Trente films dans une boîte à chaussures, Lausanne, Editions Payot, 1996, 160 p.

MALTHÊTE-MÉLIÈS Madeleine, Méliès l'enchanteur, Paris, Hachette Littérature, 1973, 446 p.

Remerciements

Jacques Malthête.

Claudine Mizzi

Bibliothèque Salacrou (Le Havre).

Marie d'Alès.

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