Louis BORNEY

(Aoste, 1854-Paris, 1911)

Jean-Claude SEGUIN

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Joseph, Jérôme Borney épouse Marie, Jeanne Canova. Descendance :

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Les origines 

Fils d'un géomètre, installé à Aoste (Italie), Louis Borney commence comme garçon de café au carrefour Châteaudun (Paris), puis il dirige une brasserie aux alentours de la Bourse. Au moment de son mariage (1880), il figure comme employé de commerce.

En 1891, il s'associe à Armand Desprez, propriétaire alors de l'Élysée-Montmartre. Les deux hommes confient à l'architecte Edmond Niermans, les transformations de l'ancien Casino de Paris, rue de Clichy. Ainsi, en octobre 1891, une nouvelle salle adjacente, avec une entrée rue Blanche, voit le jour, cette annexe prend désormais le nom de Nouveau-Théâtre :

Décrirai-je la salle du Nouveau Théâtre? Tout Paris connaît cette bonbonnière sans rivale. Les nouveaux directeurs, MM. Borney et Desprez, ont voulu qu'à côté de la joie exubérante et bruyante de la salle des fêtes, les familles et les délicats puissent venir en toute tranquillité goûter des plaisirs plus raffinés. Une élégante véranda abrite, dès la descente de voiture et de correspondance, pénètrent directement dans la salle où les spectateurs les plus attrayants leur seront sans cesse offerts.


Le Figaro, Paris, mercredi 14 octobre 1891, p. 2.

L'American Biograph (1897-1898)

Louis Borney et Armand Desprez s'intéressent à la nouveauté du moment, le cinématographe. Ils vont ainsi rentrer en contact avec Eugène Lauste, l'un des collaborateurs français de la société américaine The American Mutoscope Co qui s'intéresse au marché européen en général, et français en particulier. L'appareil, The American Biograph, est annoncé dans la presse dès le début du mois de novembre 1897 :

CASINO DE PARIS
The American Biograph.-Mlle And. Viviane.-Le prince O'KA-BE et sa suite. Les Sœurs Merkel's. Sans-Puits-House, ballet pant.


Le Journal, Paris, 1er novembre 1897, p. 4.

Dès le lendemain, une soirée de gala est annoncée pour le jeudi 4 novembre 1897 :

Grande soirée de gala, jeudi, au Casino de Paris. A l'occasion de cette fête, et pour la première fois, The American Biograph présentera les nouveaux tableaux français parisiens et militaires, que la direction a pu prendre aux dernières manœuvres.
A cette même soirée débutera le prince japonais O-Ka-Bé, avec sa suite, et la charmante Andhrée Viviane fera sa rentrée.


La France, Paris, 2 novembre 1897, p. 3.

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Alfred Choubrac, Casino de Paris, The American Biograph. La Bataille des oreillers, (ATeliers Choubrac, à Colombes, Seine). Signée à gauche, 55 x 75. couleur, [1897-1898] [D.R.]

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Casino de Paris, American Biograph,
Vue depuis la scène [1897-1898]

© Smithsonian Institution-
National Museum of American History
Casino de Paris, American Biograph
Vue depuis la salle [1897-1898] [D.R.]

Les séances parisiennes vont se prolonger jusqu'en mars 1898 où l'on annonce la 200e de l'American Biograph :

Comme le temps passe !
On la fait souvent, très souvent, cette réflexion, et à force, elle est devenue banale. Pourtant, tous les Parisiens l'ont trouvée justifiée, avant-hier matin, en lisant dans le Journal la deux centième exhibition du Biographe, et la soirée de gala annoncée pour samedi, c'est-à-dire pour demain,- au Casino.
Ainsi, depuis plus de six mois, le Biographe charme le public, et celui-ci reste, comme au premier soir, enthousiaste de l'appareil merveilleux. Avez-vous vu le Biographe ? Avez-vous vu ses nouveaux tableaux ? Voyez-les… revoyez-les... On n'entend que cela, partout. 
Demain, et pour fêter la deux centième, séance extraordinaire : trente tableaux présentés par M. Lauste, qui fut l'un des meilleurs lieutenants d'Edison.


Le Journal, Paris, vendredi 11 mars 1898, p. 1.

Louis Borney et Armand Desprez ne font pourtant pas se limiter à l'exploitation d'un seul appareil, celui qui fonctionne au Casino de Paris. On retrouve, en effet, leur nom à l'occasion de la présentation d'un "Biographe Universel" à Argenteuil, en janvier 1898 :

Très prochainement doit avoir lieu en l'une des salles de notre ville, une soirée organisée par MM. Guay et Dacquin, qui outre de jolies comédies, montrara l'intéressant spectacle du biographe universel, de MM. Borney et Desprez, dix tableaux animés avec accompagnement de graphophone.-C'est une soirée à ne pas perdre.


Le Journal d'Argenteuil, Argenteuil, 16 janvier 1898, p. 2.

Et si leur nom n'apparaît pas à Cambrai, en mars, l'appareil est également un "Biographe Universel" et une partie du programme est similaire. 

Et après... (1899-1911)

En 1911, la revue Comoedia annonce la mort de Louis Borney :

Nous apprenons la mort de M. Bomey, directeur du Théâtre Marigny.
Doué d'une intelligence pratique et d'une volonté tenace, M. Borney avait su, en une vingtaine d'années, environ, arriver à la fortune.
Après avoir été simple garçon de café au carrefour Châteaudun, puis avoir dirigé une brasserie importante aux alentours de la Bourse, Borney, avec son ami Desprez qui était alors propriétaire de l'Elysée-Montmartre, s'associa pour prendre la direction du Casino de Paris, au lendemain de la déconfiture des frères Lointiers.
Et pendant des années, il présida, en compagnie, de son fidèle Desprez aux destinées dit Casino de Paris et du Nouveau-Théâtre.
Dans cette dernière salle furent successivement applaudis d'intéressants ouvrages qu'ils montèrent, tels : Les Joyeuses commères de Catulle Mendès, Scaramouche de Maurice Lefèvre et Voigneux, musique de Georges Street, Rabelais de Dubut de Laforest et Oscar Méténîer, musique de Louis Ganne, La Danseuse de Corde, d'Aurelien Scholl et Jules Roques, avec pour principale interprète Félicia Mallet, Miss Dollar de Valain qui fut cause d'une union très parisienne, celle de deux interprètes de cet ouvrage le regretté Louis Décori avec sa camarade de Lisse, et combien d'autres ouvrages retentissants.
Lorsque MM. Borney et Desprez prirent cette double direction, la scène du Casino de Paris fut inaugurée avec un délicieux ballet Watteau de Louis Ganne, L'Heureuse Rencontre, livret de MM. Roger Milès et Charles Akar.
Et il y a de cela une vingtaine d'années !
Il nous donna aussi, il y a trois ans, Ghiska;la Bohémienne, mimodrame de MM. Edmond Le Roy et Léo Pouget.
Fin août, il devait nous donner, des mêmes auteurs une œuvre que devait créer Mlle Régine Badet.
Au fond, M. Louis Borney était un artiste, il était affable pour tous.
Et nous lui devons d'avoir révélé au public parisien certains artistes : Polaire, Lise Fleuron, Loïe Fuller, Angèle Héraud, d'autres encore.
Il ne comptait dans le monde des théâtres que des sympathies, et il sera unanimement regretté.
M. Borney est mort en son domicile, 84, avenue du, Bois-de-Boulogne, il était âgé de cinquante sept ans.
Ses obsèques se feront après-demain vendredi, à deux heures du matin, en l'église Saint-Honoré d'Eylau. On se réunira à la maison mortuaire, 84, avenue du Bois-de-Boulogne.


Comoedia, 19 juillet 1911, p. 3.

Sources

MEUSY Jean-Jacques et Paul C. SPEHR, "Les débuts en France de l'American Mutoscope and Biograph Company", Histoire Economie et Société, 1997, 16-4, pp. 671-708.

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