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- Mis à jour : 22 octobre 2024
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Auguste LUMIÈRE
(Besançon, 19/10/1862-Lyon, 10/04/1954)
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Nicolas Lumière (Jonvelle, 28/04/1797-Paris 5e, 04/06/1854) épouse (Jonvelle, 02/05/1821) Louise Huguenin (01/01/1800-Paris 9e, 25/04/1854). Descendance :
- Françoise Lumière (1822)
- Marie Lumière (1826)
- Claude, Antoine Lumière (Ormoy, 13/03/1840-Paris 9e, 15/04/911) épouse (Paris 5e, 24/10/1861) Jeanne, Joséphine Costille (Paris 5e, 29/07/1841-Lyon 3e, 20/12/1915). Descendance :
- Auguste, Marie, Louis, Nicolas Lumière (Besançon, 19/10/1862-Lyon 8e, 10/04/1954) épouse (Lyon 3e, 31/08/1893) Marguerite Wincker. Descendance :
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- Andrée Lumière (1894)
- Henri Lumière (1897)
- Louis, Jean Lumière (Besançon, 05/10/1864-Bandol, 06/06/1948) épouse (Lyon 3e, 02/02/1893) Rose Winckler. Descendance :
- Suzanne Lumière (1894)
- Jean Lumière (1897)
- Yvonne Lumière (1907)
- Jeanne, Claudine, Odette Lumière (Besançon, 02/04/1870-Lyon 8e, 24/11/1926) épouse (Lyon 3e, 25/09/1890) René Winckler. Descendance :
- Marcel Winckler (1892)
- Madeleine Winckler (1895)
- Mélina, Juliette Lumière (Lyon 2e, 30/09/1873-Montpellier, 05/01/1924)
- épouse (Lyon 3e, 31/08/1893) Jules Winckler. Descendance :
- Georges Winckler (1894)
- épouse (Évian-les-Bains, 02/09/1901) Amand Gélibert. Descendance :
- Hélène Gélibert (1904)
- Marcelle Gélibert (1906)
- épouse (Lyon 3e, 31/08/1893) Jules Winckler. Descendance :
- Francine (France) (Lyon 2e, 18/09/1882-La Ciotat, 03/05/1924) épouse (Lyon 3e, 09/06/1903) Charles Winckler. Descendance :
- Odette Winckler (1904)
- Henriette Winckler (1906)
- André Winckler (1909)
- Denise Winckler (1917)
- Jean Winckler (1920)
- Édouard Winckler (1924)
- Pétrus, Édouard (Lyon 2e, 18/11/1884-Saint-Sauveur, 17/04/1917).
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Les origines (1862-1881)
Auguste Lumière est le premier enfant d'Antoine Lumière et de Jeanne Costille. Les parents qui viennent de s'installer à Besançon occupent un appartement sur la place Saint-Quentin où il voit le jour en octobre 1862.
Maison natale d'Auguste Lumière (1) et celle de Victor Hugo (2)
VIGNE, 1943: pl III.
Dans ses souvenirs, Auguste signale combien ses premières années l'ont comblé:
Peu de personnes ont eu une enfance aussi heureuse que cette de mon frère et la mienne. Nos parents, non seulement ne nous ont jamais infligé la moindre correction, pas même une chiquenaude, mais ils ne nous ont jamais punis, mieux encore, et pas plus que nos maîtres, ils ne nous ont jamais admonestés ni réprimandés.
[...]
En ce qui me concerne, dès que j'ai su lire et comprendre mes lectures, le désir d'apprendre, de connaître, s'est fortement ancré dans mon esprit et chaque fois qu'un mot ou un fait nouveau pour moi, me frappait, j'avais pris l'habitude de me précipiter vers l'armoire qui servait de bibliothèque à mon père et d'en chercher l'explication dans un dictionnaire.
LUMIÈRE, 1953: 14, 17.
Son jeune frère Louis naît, deux ans plus tard, en octobre 1864. Si Auguste est sans doute allé à l'école à Besançon, nous n'en connaissons pas de trace écrite, mais il reste quelques photographies qui semblent dater de cette époque.
Louis et Auguste Lumière, [Besançon], c. 1870. | Louis et Auguste Lumière jouant aux échecs. Lyon. c. 1875. Source: Institut Lumière. |
C'est vers la fin de l'année 1870 que la famille quitte la Franche-Comté pour s'installer définitivement à Lyon alors qu'Auguste a tout juste huit ans. Le père, Antoine va ouvrir un atelier photographique rue de la Barre alors que la famille loge dans un appartement rue des Marronniers. Comme il le rapporte dans ses souvenirs, le jeune enfant va poursuivre ses études, d'abord à l'école primaire de la rue Longue, puis à l'Institution Franklin qu'il intègre en septembre 1874:
Pendant ce temps, mes études se poursuivaient tout d'abord normalement à l'école primaire, puis à l'institution Franklin, pension d'une centaine d'élèves, dirigée par M. Raison, dont les principes pédagogiques et les opinions s'accordaient avec les idées de mon père.
Deux scolarités se passèrent dans cette institution dont le directeur devait périr tragiquement l'année suivante, en même temps que ses deux enfants et deux autres excursionnistes, victimes d'une noyade dans le lac du Bourget.
LUMIÈRE, 1953: 19.
En sortant de l'Institution Franklin, Antoine va inscrire son fils Auguste à la Martinière où il commence cette nouvelle formation à la rentrée 1876. Il s'agit d'un établissement fondé par testament (1800) par le major Claude Martin et inauguré en 1826. Le jeune Auguste, dans ses mémoires, va en donner une vision très flatteuse :
La Martinière était; à cette époque, un établissement indépendant, privé, gratuit, dû aux libéralités du major Claude Martin; il avait pour but l'éducation des étudiants plutôt que leur instruction, c'est-à-dire que les procédés pédagogiques qui y étaient mis en œuvre avaient pour objet de développer les facultés de l'intelligence les plus utiles dans la lutte pour la vie, notamment l'initiative, l'habitude de l'observation rigoureuse, le jugement et le bon sens, le principe de la méthode, l'ordre, l'adresse, en somme, des facultés qui, une fois acquises, persistaient pendant toute l'existence, tandis que les acquisitions mnémoniques enregistrées provisoirement et par les moyens classiques, s'effaçent [sic] rapidement, le plus souvent en quelques mois et sans laisser de traces.
On a perdu son temps en les retenant si péniblement jusqu'aux examens.
Les deux années réglementaires que j'ai passées à La Martinière m'ont laissé un souvenir ineffaçable, je suivais les cours avec le plus vif intérêt et avec plaisir et, en quittant l'Ecole, au lieu d'être dégoûté de l'étude, comme les élèves des enseignements classiques qui n'ouvrent plus leurs livres ni leurs manuels après l'obtention de leurs diplômes, j'avais, au contraire, le plus vif désir de continuer à acquérir de nouvelles connaissances.
J'ai toujours professé le plus grand enthousiasme pour les méthodes pédagogiques de La Martinière, qui ont été à l'origine de mon ardente passion pour la recherche scientifique.
[...]
C'est aux méthodes pédagogiques de La Martinière que je dois le meilleur de ma formation intellectuelle; je ne cesserai jamais de témoigner ma profonde reconnaissance aux éducateurs qui m'ont fait profiter de ces méthodes et de le crier bien haut et de toutes mes forces.
LUMIÈRE, 1953: 19-20.
Auguste Lumière (1876)
Source: VIGNE, 1943, pl. VII.
La célèbre méthode Tabareau est appliquée à La Martinière. Elle est l'objet de débats, dès les origines, comme dans le cas d'Antonin Monmartin, auteur du Précis sur l'école La Martinière (1862) et de Louis Dupasquier qui lui donne la réplique dans Quelques opinions de M. Antonin Monmartin sur l'école La Martinière réfutées (1863).
En septembre 1877, une simple anecdote va prendre un relief particulier dans la "légende" Lumière. L'écrivain et ami de la famille Louis Jacolliot invite les deux enfants, Auguste et Louis à passer quelques jours dans sa villa de Saint-Enogat où ils vont vivre une aventure singulière:
C'est à Saint-Enogat que nous donnâmes, certain jour, à nos hôtes, une belle émotion. Nous nous étions réfugiés tous les deux dans une petite grotte de la falaise, que l'on appelait la grotte de "la Goule aux Fées", et qui formait une merveilleuse chambre noire naturelle. Absorbés dans nos expériences photographiques, nous en oubliâmes l'heure du dîner. On nous cherchait de tous les côtés et l'on commençait à être fort inquiet lorsqu'on nous découvrit enfin dans notre antre.
Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie", Je sais tout, 18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 155.
À l'issue de sa deuxième année d'études, il obtient son diplôme, mais, poussé par un ami de la famille, le capitaine Édouard Thiers, il va préparer le baccalauréat avec l'idée de rentrer à Polytechnique. Il va suivre, pendant un an, alors une préparation complémentaire - l'école La Martinière ne dispensant pas d'études littéraires - qui lui permet d'obtenir le diplôme :
Le régime de ce travail extraordinairement intensif débuta le 1er octobre 1878, et le 29 juillet de l'année suivante, c'est-à-dire au bout de dix mois, je réussissais de justesse à l'examen.
LUMIÈRE, 1953: 23.
Louis et Auguste Lumière. Lyon. c. 1879.
source: CHARDÈRE/BORGÉ, 1985: 21.
Disposer à poursuivre ses études afin d'intégrer Polytechnique, Auguste Lumière rentre pour deux ans au Lycée de Lyon:
Auguste entra, alors, en mathématiques spéciales, au Lycée de Lyon, pour l'année scolaire 1879-1880, et il y continua ses études l'année suivante.
VIGNE, 1943: 61-62
Les efforts fournis par Auguste vont lui coûter quelques ennuis de santé et nécessiter du repos:
L'effort qu'il avait fourni pour enlever, en huit mois, son diplôme de bachelier, celui qu'il eut encore à fournir au cours d'une année préparatoire à Polytechnique, avaient considérablement altéré sa santé et l'obligèrent, sur l'ordre formel des docteurs, à interrompre tout travail.
Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie", Je sais tout, 18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 155.
Compte tenu de sa situation, Auguste Lumière va devancer l'appel et accomplir son service militaire comme "engagé conditionnel d'un an", décision dont il donne une explication :
Pour me débarrasser des séquelles du surmenage, tout travail intellectuel m'étant déconseillé, mon père estima, avec raison, que je devais me libérer du service militaire en contractant l'engagement conditionnel d'un an, ce que je m'empressai de faire.
LUMIÈRE, 1953: 26.
Grâce à son registre matricule, on sait qu'il s'engage le 10 novembre 1881. Il rejoint à Chambéry le 97e régiment d'infanterie. Un an plus tard, il finit ses obligations militaires avec le grade de sergent.
97e bataillon d'infanterie (classe 1880)
Source: collection Paufique.
Auguste Lumière (debout, à gauche) et trois autres militaires.
source: CHARDÈRE/BORGÉ, 1985: 25.
Les débuts de l'industrie photographique (1881-1893)
À son retour à Lyon, Auguste Lumière prend la mesure des difficultés économiques que connaît sa famille dues au nouveau bail de l'immeuble situé aux nº 21, 23 et 25 du chemin rue Saint-Victor à Monplaisir, signé le 3 juin 1882 et enregistré le 4 août suivant, et aux choix de développement opérés par Antoine Lumière :
Lorsqu'en 1882, nous nous sommes trouvés engagés, mon frère Louis et moi, pour la sauver d'un naufrage imminent, dans l'industrie des plaques, papiers et produits photographiques que notre père avait voulu fonder à Lyon, avec des moyens financiers et techniques très insuffisants, il fut formellement entendu, entre nous que nous devions collaborer de la façon la plus complète et la plus absolue, non seulement à l'œuvre de redressement et de création qui nous incombait, mais encore à tous les travaux que nous pourrions ultérieurement entreprendre et qui devaient être invariablement publiés en commun.
LUMIÌERE, 1940: 12bis.
La situation économique est réellement inquiétante, et en novembre 1882, alors qu'Auguste revient de son service militaire, son père lui confie ses difficultés :
Le lendemain de mon arrivée, mon père me fit appeler dans un laboratoire obscur de son usine en construction, n'osant pas m'entretenir au grand grand jour de sa situation qui était lamentable.
Il n'avait pu encore arriver à rien, avec un passif de plus de deux cent mille francs, et m'avouait, les larmes aux yeux, qu'il était menacé de faillite par ses créanciers; avec cinq enfants et sans aucune ressource, il se trouvait dans un état de désespoir qui me bouleversa profondément.
LUMIERE, 1953: 28.
Auguste et Louis vont prendre les affaires en main et réussir à convaincre les créanciers de soutenir l'entreprise familiale :
Dès le lendemain, nous rendions visite à nos créanciers ; nous nous engagions tous solidairement, nous obtenions des délais et nous nous mettions au travail. Nos journées, nos soirées et, bien souvent, nos nuits se passèrent dans notre laboratoire à étudier et à chercher. Des années coulèrent sans que nous ayons eu le temps de nous en apercevoir. Nous nous étions, pour ainsi dire, endormis au monde adolescents; nous nous réveillâmes hommes faits : la jeunesse avait fui pendant notre singulier sommeil.
Auguste et Louis Lumière, "Notre Vie", Je sais tout, 18e année, 1er semestre, 15 avril 1922, p. 156.
Par ailleurs, Louis va mettre au point, probablement en 1885, les célèbres "étiquettes bleues", des plaques extra-rapides pour les vues instantanées.
Entre 1887 et 1892, les frères Lumière vont cosigner une vingtaine articles relatifs à des perfectionnements photographiques : "Essai relatif à l'action de la lumière sur les surfaces sensibles photographiques", "Note sur un nouveau révélateur", "Propriétés révélatrices du chlorure cuivreux ammoniacal. Société française de photographie"... Le développement de l'entreprise Lumière va conduire à la création de La Société anonyme des plaques et papiers photographiques Antoine Lumière & ses fils dans laquelle, dès le mois de décembre 1892, Louis et Auguste vont occuper une place prépondérante.
Comme pour parachever cette prospérité, Louis Lumière épouse Jeanne Winkler, la fille du brasseur Joseph, Alphonse Winkler. Le contrat de mariage, signé devant Me Fabre (28 janvier 1893), stipule que les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquets.
Le Cinématographe (1894-1895)
C'est Antoine Lumière que va mettre ses fils sur la piste du cinématographe. Dès l'été 1894, il découvre le premier kinetoscope, à Paris, dans le salon des dépêches du Petit Parisien avant de s'en procurer un en octobre de la même année auprès des frères Werner. Dans un premier temps, Auguste et Louis vont s'atteler à résoudre les différents problèmes techniques que posent la fabrication d'un appareil de prises de vue. Quoique tardivement, Auguste a revendiqué sa part dans ce processus. Une première version figure dans la Notice sur les titres et travaux publiée en 1940 :
À l'époque où Edison fit connaître son Kinétoscope, je compris tout l'immense intérêt qui s'attacherait à la projection sur un écran visible par tous les spectateurs d'une salle de réunion, des images animées que l'appareil américain ne montrait qu'à un seul observateur et je m'attachai tout d'abord à l'étude de ce problème, en construisant un premier appareil qui ne remplissait point toutes les conditions qu'il s'agissait de réaliser.
J'allais entreprendre l'étude d'une deuxième dispositif, quand mon frère, qui était témoin de mes premiers efforts et de mon insuccès, eut l'idée d'un mécanisme rappelant celui du mouvement alternatif de l'aiguille des machines à coudre, qui semblait constituer la base d'une solution parfaite de la question.
J'abandonnai donc mes projets personnels, laissant à mon frère le soin de poursuivre les investigations que j'avais commencées et qui aboutirent au plus éclatant succès.
LUMIÈRE, 1940, p. 12bis.
Bibliographie
BLONDEAU Georges, "Victor Jeanneney. Artiste peintre et professeur de dessin (1832-1885)", Séance du 25 mars 1911, Mémoires de la Société d'Émulation du Doubs, Huitième Série, Sixième volume, 1911, Besançon, Imprimerie Dodivers et Cie, 1912.
CHARDÈRE Bernard, Guy et Marjorie BORGÉ, Les Lumière, Lausanne/Paris, Payot/Bibliothèque des Arts, 1985, 224 p.
CHARDÈRE Bernard, Les Images des Lumière, Paris, Gallimard, 1995, 200 p.
DURAND Marc, De l'image fixe à l'image animée 1820-1910, Pierrefitte-sur-Seine, Archives Nationales, 2015.
Lumière. L'Album de famille, Lyon, Archives Municipales, 1995, 168 p.
LUMIÈRE Auguste, "La ressemblance en photographie", Le Photographe, 6e année, nº 11, Paris, 5 octobre 1919, p. 206, 209 et 210.
LUMIÈRE Auguste, Notice sur les titres et travaux, Lyon, Imprimerie Léon Sézanne, 1940, 328 p.
LUMIÈRE Auguste, Mes Travaux et Mes Jours, Paris, La Colombe, 1953, 190 p.
LUMIÈRE Auguste et Louis, Résumé des travaux publiés par MM. Auguste & Louis Lumière (1887-1906) (1887-1906), Lyon, Imprimerie Léon Sézanne, 1906, 190.
MONMARTIN Antonin, Précis sur l'école La Martinière, Lyon, Imprimerie de Louis Perrin, 1862, 96 p.
TABAREAU Charles-Henry, Exposé de la méthode Tabareau fondée à l'École La Martinière, Lyon, Imp. Louis Perrin, 1863, 48 p.
VIGNE Paul, La Vie laborieuse et féconde d'Auguste Lumière, Lyon, Imprimerie Durand-Girard, 1942, 440 p.
Remerciements
Bibliothèque Municipal de Lyon.