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- Création : 24 mars 2015
- Mis à jour : 27 août 2023
- Publication : 24 mars 2015
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Jacques dit "Gabriel" LÉPÉE
Monluçon (1853)-Maison-Laffitte, 1922)
Jean-Claude SEGUIN
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Jacques, Gilbert Lépeix (dit Lépée) (Target, 23/10/1824-≤ 1880) épouse (Chantelle, 17/02/1846) Françoise, Eugénie Lartaud (Chantelle, 30/06/1828-Paris 10e, 08/04/1880). Descendance :
- Jean-Baptiste Lépée dit "Ludovic Lépée-Esmelin" (Chantelle, 21/06/1847-Paris 9e, 03/11/1931) :
- épouse (Paris 6e, 05/08/1880) Marie Thérèse Esmelin (Montluçon, 23/09/1837-Maison-Laffitte, 02/06/1893).
- épouse (Paris 2e, 15/07/1894) Marie Alexandrine Emelin (Saint-Eloy-les-Mines, 02/01/1869-Paris 9e, 25/01/1934).
- Jacques dit "Gabriel" Lépée (Montluçon, 28/11/1853-Maison-Laffitte, 24/09/1922)
- épouse (1) (Paris 10e, 16/04/1914) Louise, Suzanne, Weidert (Montreuil, 28/04/1869-Paris 3e, 05/02/1949).
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Les origines (1847-1895)
Fils d'un boulanger auvergnat, Jean-Baptiste Lépée est déjà installé à Paris au moment de son mariage (1880) avec Marie Thérèse Esmelin, où il figure comme "négociant" (72, rue Bonaparte). C'est vers 1883 qu'il va ouvrir, 27, boulevard des Italiens, une bijouterie :
Maison de confiance. Lépée-Esmelin, joaillier-bijoutier, 27, boulevard des Italiens. Vente de diamants d'occasion à 40 % au-dessous du cours. Achat, échange, dégagement du Mont-de-Piété.
Le Figaro, Paris, dimanche 11 février 1883, p. 3.
Il est probable que son frère Jacques dit "Gabriel" soit lui aussi dans la capitale et qu'il soit associé à Jean-Baptiste. Ils font passer des publicités dans la presse :
Offrons pour Pâques à nos lecteurs un nouveau vaccin contre la RAGE, et adressons-les à M. Lépée-Esmelin, bijoutier-joaillier, 27, boulevard des Italiens, qui les guérira à tout jamais... de la RAGE!... d'acheter dans les autres magasins de Paris leurs cadeaux 50 % trop cher; M. Lépée-Esmelin nous ayant démontré qu'il défiait toute concurrence par le bon marché inouï de ses splendides bijoux.
Gil Blas, Paris, mercredi 7 avril 1886, p. 1.
Les Lépée disposent d'une autre boutique, dès 1887, qui se trouve 5, boulevard de la Madeleine ("À l'ancien Paris") et dont s'occupe son frère Jacques dit "Gabriel" :
On demande agents des deux sexes, ayant beaucoup de relations dans grand monde et haut commerce, pour affaire très sérieuse. S'adresser à l'Ancien Paris-5, boulevard de la Madeleine, le matin.
Le Gaulois, Paris, 21 mars 1887, p. 3.
Ce dernier magasin va d'ailleurs être victime d'un vol important. Gabriel Lépée se rend en Uruguay où il déclare son arrivée au consulat de Montevideo, le 23 décembre 1899. Il figure comme orfèvre.
Une nouvelle succursale est ouverte 38 boulevard des Italiens :
Si j'arrive à pouvoir livrer mes marchandises à des prix aussi extraordinaires de bon marché, c'est que je fais mes achats par quantités importantes, toujours au comptant, soit dans les ventes publiques, soit en traitant directement avec les personnes qui désirent pour un motif quelconque, ou changer, ou se débarrasser de leurs bijoux. N'allez pas croire pour cela que ce que l'on achète chez moi, ou dans mes succursales, 38, boulevard des Italiens et "à l'Ancien Paris", 5, boulevard de la Madeleine, a été porté. Point. Toutes les pierres sont démontées et remontées au goût du jour, par des ouvriers spéciaux dont le travail si parfait me permet aujourd'hui de défier toute concurrence."
LÉPÉE-ESMELIN, bijoutier,
27, boulevard des Italiens.
Le Figaro, Paris, vendredi 20 février 1891, p. 3.
C'est Gabriel qui figure, sur les annuaires commerciaux (1891, 1893, 1894), comme responsable de cette nouvelle boutique. En parallèle, la société "Lépée-Esmelin" est dissoute en 1891 :
Paris.-Dissolution, à partir du 1er fév. 1891, de la Société Lepée-Esmelin et Cie (bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et diamants), boul. de la Madeleine, 5.- Liquid. : M. Esmelin.-Acte du même jour. A.P.
Archives commerciales de la France, 14 février 1891, p. 179.
En juin 1893, l'épouse de Jean-Baptiste décède à Maison-Laffitte. En 1894, un procès oppose Lépée-Esmelin aux deux banquiers Mantoux et Rottenbourg.. Cette même année, Jean-Baptiste épouse sa nièce :
Hier, a été célébré, en l'église Saint-Roch, dans la plus stricte intimité, par suite d'un deuil récent, le mariage de M. Lepée-Esmelin, propriétaire de plusieurs magasins de joaillerie des grands boulevards, avec Mlle Alexandrine Esmelin, sa nièce.
Le Journal, Paris, dimanche 29 juillet 1894, p. 1.
Le Cinéphotographe (1896-1897)
Les Lépée vont découvrir, comme bien d'autres Parisiens, les séances qui sont données au sous-sol du Grand Café, à deux pas de leur bijouterie. Ils voient dans le nouveau spectacle, une possibilité de faire des affaires juteuses et vont chercher un constructeur capable, lui aussi, de réaliser un cinématographe à un moment où les appareils de ce type ne sont pas légion et qu'ils sont difficiles à obtenir. Gabriel Lépée va dans un premier temps s'adresser aux Lumière afin de leur demander si leur appareil est à la vente. Nous sommes au début du mois de février 1896 et pour l'instant, ils n'envisagent pas de commercialiser leur cinématographe.
Lumière. Pour Perrigot, M. Paris. M. G. Lépée. Paris, 6 février 1896.
source: archives Trarieux-Lumière.
C'est donc probablement après cet échec que Gabriel Lépée va se tourner vers un jeune homme, Victor Continsouza, qui accepte de se lancer dans l'aventure :
Si nous donnons ce document officiel, c’est à fin d’apporter le plus de précision possible en ce qui touche les dates, et puisque nous en sommes à MM. Continsouza et Bünzli, ajoutons que c’est leur appareil qui prit le nom de " Appareil de Gabriel Lépée ".
M. Gabriel Lépée à cette époque tenait en face le Grand Café, un magasin d’objets d’art, tapisseries anciennes, porcelaines, etc., etc...
Frappé par le succès qu’obtenait les frères Lumière dans leur petit sous-sol; il rechercha un constructeur susceptible de lui établir un appareil analogue. C’est alors qu’il fut mis en rapport par M. Poisson avec MM. Continsouza et Bünzli qui fabriquaient des compteurs pour voitures et s’intéressaient aux appareils cinématographiques.
L’appareil qu’ils fournirent donna immédiatement satisfaction et fut mis en circulation.
Là se place une petite erreur de notre part ; M, Gabriel Kaiser, nous a fait dire que cet appareil avait été fabriqué à Sainte-Suzanne, alors qu’en réalité, il fut entièrement construit dans les ateliers Continsouza et Bünzli, situés 6, rue de la Fontaine-au-Roi.
Les deux associés s’étant séparés, cet appareil, qui a d’ailleurs reçu peu de modification, se construit toujours dans les établissements Continsouza et pour le compte de la maison Pathé frères.
Evidemment comme le dit si bien notre aimable contradicteur, il y aurait beaucoup à dire, mais simplement en ce qui concerne les appareils et les inventeurs, or cette enquête nous l’entreprendrons certainement sous peu, et nous sommes sûrs qu’elle ne sera point sans difficultés.
[...]
Les boulevards ont connu aussi la première installation cinématographique foraine, car M. Gabriel-Lépée fit installer en 1896-1897, sur la place de l'Ambigu une baraque dans laquelle se déroulait les films de l'époque.
[...]
ALBERT HEC.
En 1936, Pierre Michaut offre version un peu plus complète, mais similaire, de cette rencontre entre Gabriel Lépée et Victor Continsouza
C’est là que se produisit la rencontre à la fois fortuite et décisive. Ce jour-là notre cocher rencontra chez son ami le photographe un bijoutier du boulevard des Italiens, M. Lépée, qui venait d’assister à une des séances Lumière du Grand Café; il disait ;
— Ah! si je connaissais quelqu’un pour me construire des appareils comme celui- là !
— Mais j’ai votre affaire, dit le cocher; deux jeunes gens qui construisent le compteur que vous voyez là.
— Allons-y, dit M. Lépée.
Et quelques instants plus tard :
— Avez-vous vu le cinéma du Grand Café ? demandait M. Lépée à M. Continsouza.
— Non...
— Allons-y ensemble.
En sortant de la séance — qui durait une demi-heure — M. Continsouza se déclara capable de construire un appareil semblable.
Il s’en fut attendre, à la gare de l’Est, son camarade Bünzli qui était allé faire une course à Reims. Ensemble ils retournèrent au Grand Café ; puis ils discutèrent, en horlogers émérites, les divers systèmes possibles d’entrainement de la pellicule... Ils y pensaient encore lorsque la tâche coutumière les ramena, le lendemain matin, devant le " banc d’essai" des compteurs de taxis. Or, dans tout compteur il y a un mouvement d’horlogerie; et dans toute horloge, il y a un « arrêtage » avec Croix de Malte... c’est tout : ils avaient compris.
Après avoir mis au point ce prototype, Victor Continsouza va présenter son appareil à Gabriel Lépée :
L’appareil demandé par M. Lépée fut construit en quarante-huit heures; il fut essayé à la bijouterie du boulevard des Italiens avec un film pour appareils Kinétoscope — mais ceci, c’est la préhistoire du cinéma (disons seulement qu’avec le Kinétoscope un seul spectateur, l’œil rivé à un oculaire, voyait se dérouler et s’animer une bande d’images photographiques) — M. Continsouza se rappelle que cette bande d’essai représentait un danseur de corde !
M. Lépée, satisfait, demanda aux deux compagnons ce qu’ils désiraient recevoir pour prix de leur travail; on se mit d’accord sur cinq cents francs.
Alors, M. Lépée leur annonça qu’il leur en commandait plusieurs centaines d’autres. Ils se récrièrent : ils avaient une place assez stable; ils ne se souciaient pas de l’abandonner ni de quitter leur patron, M. Kusni, pour tenter une aventure.
— Vous avez tort. Combien coûterait à construire un appareil comme celui-ci ?
— Ça représente 80 francs.
— Vous allez m’en fabriquer cinq cents, que je vous paierai 350 francs chacun; et pour les premiers frais, voici un chèque de 5.000 francs.
Comment résister ? Ils prirent le chèque, achetèrent du matériel et s’installèrent, en janvier 1896, dans un atelier sis 6, rue Fontaine-au-Roi.
Avant que la mise en vente ne soit effective, Gabriel Lépée demande à Victor Continsouza de bien vouloir faire breveter l'appareil cinématographique :
En janvier 1896 et en collaboration avec M. René Bunzli, nous présentions un appareil à entraînement par Croix de Malte à M. Lépée qui se rendit concessionnaire de la vente de cet appareil.
A cette époque, nous avons loué un atelier 6, rue Fontaine au Roi, que nous avons installé et outillé pour construire en série. Au mois d'avril, époque à laquelle notes allions mettre l'appareil en vente, M. Lépée insista pour que nous déposions un brevet, ce qui fut fait le 28 avril 1896...
Le nouvel art cinématographique, Brest, nº 6, jeudi 8 septembre 1927.
Dans la foulée, la commercialisation de l'appareil cinématographique démarre :
Les appareils Lépée, fabrication Continsouza, se vendirent bien et facilement; parmi les clients, signalons Clément et J. Ginmer [sic], installés rue de Malte, Mazo, toujours installé sur le Boulevard en face de l'Ambigu, Piroux [sic], le photographe, Pathé; d’autres allèrent en Angleterre, etc...
Il n'est pas certain que tous les clients se soient effectivement fournis auprès de Lépée, mais s'agissant de revendeurs, on ne peut exclure que certains en aient commercialisé. Toujours est-il que le contrat est passé et que Victor Continsouza, avec la collaboration de René Bunzli va se lancer dans la fabrication de son appareil, 6, rue de la Fontaine-au-Roi. Probablement afin de pouvoir commercialiser le plus vite possible le nouvel appareil, Gabriel Lépée va ouvrir un magasin situé au 31 de la rue Caumartin. Les premières annonces de mise sur le marché d'un "chronophotographe" paraisse au début du mois de juin :
Le Chronophotographe, appareil à projections pour photographies animées, pouvant projeter également les bandes de kinétoscope Edison.
En vente: 31, rue Caumartin. Paris.
Le Gaulois, Paris, 6 juin 1896, p. 3.
Puis, en août, il est question désormais d'un "cinématographe" :
Le Cinématographe, appareil perfectionné pour projections animées, 950 fr. Grand choix de pellicules. Scènes parisiennes et en couleurs, depuis 75 fr., 31, rue Caumartin, Paris.
Le Journal, Paris, 6 août 1896, p. 3.
On peut penser que Gabriel Lépée ne fait que commercialiser, lui aussi, les vues provenant d'autres catalogues. Finalement, l'appareil prend le nom de cinephotographe
Le Cinéphotographe. Appareil perfectionné pour projections animées.
L'Industriel forain, nº 366, Paris, du 9 au 16 août 1896, p. 3.
Parmi les premiers à se procurer cet appareil, on trouve Gabriel Kaiser.
Photographie représentant Gabriel Kaiser, en 1895 [sic], avec l'appareil Gabriel Lépée
Cine-Journal, nº 294, 7e année, 11 avril 1914, p. 9.
Il semble que Gabriel Lépée aient installé une baraque sur la place de l'Ambigu :
Les boulevards ont connu aussi la première installation cinématographique foraine, car M. Gabriel-Lépée fit installer en 1896-1897, sur la place de l'Ambigu une baraque dans laquelle se déroulait les films de l'époque.
Ciné-Journal, nº 297, 2 mai 1914, p. 23.
Dans l'Hexagone, on peut identifier quelques "cinéphotographes", sans que l'on puisse affirmer qu'il s'agisse toujours de l'appareil commercialisé par Gabriel Lépée : Tours (juillet 1896), Dijon (juillet-septembre), Lille (août-septembre), Laval (septembre), Nîmes (septembre-octobre), Tunis (novembre), Limoges (décembre-février 1897). À Paris, un cinéphotographe fonctionne dans le local des "Inventions Nouvelles" dès le début du mois d'octobre (15 boulevard des Italiens).
Gabriel Lépée semble avoir renoncé rapidement à ses activités cinématographiques dont on ne parle plus au-delà de l'année 1897.
Et après... (1898-1922)
Gabriel (Ludovic) Lépée va dès lors se consacrer à leurs affaires commerciales traditionnelles. Ils ont, ainsi, parti lié avec une société aurifère :
La cession enregistrée au secrétariat général de la préfecture du département de la Seine, le 23 juin 1898, faite, suivant acte en date du 6 avril 1898, à la Société générale d'extraction de l'or, dont le siège est à Paris, rue Saint-Georges, nº 43, par :
[...]
6º Le sieur Ludovic Lépée-Esmelin, boulevard des Italiens, nº 27, à Paris.
Bulletin des lois de la république française, 1er janvier 1900, p. 684-685.
Par ailleurs, Lépée-Esmelin est condamné dans une affaire de chevaux. Il est sportman et possède une monture, Icoglan. Vers 1902, Gabriel Lépée ouvre une nouvelle boutique sur le boulevard des Capucines :
M. Lépée-Esmelin, le bijoutier du boulevard de la Madeleine, a transféré depuis deux ans ses magasins, 21, boulevard des Capucines.
Le Figaro, Paris, 25 août 1904, p. 5.
Son neveu, qui est aussi son beau-frère, est également bijoutier. En 1906, Gabriel Lépée dépose, avec Gaston, Lucien Contenet (Enghien-les-Bains, 14/05/1872-Asnières-sur-Seine, 25/10/1929), un brevet pour un "cinématographe" dont la caractéristique est "l'enregistrement des images est fait sur une surface cylindrique." (FR374165. 10/04/1906). La collaboration se prolonge pour trois autres brevets : "Cinématographe" (FR392148. 16/09/1907), "Dispositif pour le centrage des images des bandes cinématographiques" (FR386048. 08/01/1908), "Dispositif de guidage de pellicules cinématographiques" (FR387459. 22/02/1908).
En 1918, Jean-Baptiste Lépée va comparaître comme témoin lors du procès de Paul Bolo, un aventurier et escroc qui entretient des liens avec le monde politique. Plusieurs figures sont appelées à la barre: Louis Barthout, Joseph Caillaux... (La Lanterne, Paris, 10 février 1918, p. 1). Le témoignage de Lépée, en faveur de Bolo, est assez original et provoque les rires de la salle à plusieurs reprises. Le prévenu est condamné à la peine capitale et il est fusillé (Vincennes, 17 avril 1918).
Gabriel Lépée décède en 1922. Son frère Jean-Baptiste "Ludovic" est encore recensé à Paris en 1926 (34, boulevard des Italiens. Paris 9e. Négociant) et 1931 ((34, boulevard des Italiens. Paris 9e).
Sources
HEC Albert, "Le Cinéma sur les boulevards", Ciné-journal, nº 292 (28/03/1914, p. 29, 33, 35, 39, 41), nº 294 (11/04/1914, p. 9, 10, 11), nº 296 (25/04/1914, p. 16), nº 297 (02/05/1914, p. 17, 22, 23), nº 299 (16/05/1914, p. 113, 117), nº 302 (06/06/1914, p. 53, 55), nº 305 (27/06/1914, p. 21, 24).
MICHAUT Pierre, "M. Continsouza et la Croix de Malte", La Cinématographie française, nº 934, samedi 26 septembre 1936, p. 99-101.