LE HAVRE
Jean-Claude SEGUIN
Le Havre, ville de la Seine-Inférieure (auj. Seine Maritime) (France), compte 116.369 habitants (1894).
1896
Le Kinétographe de Leborgne (4-6 rue Jules Lecesne/Café-concert Le Moulin Rouge, 27-28 avril 1896)
Le Moulin-Rouge annonce l'arrivée prochaine du kinétographe présenté par le "professeur" Leborgne :
MOULIN-ROUGE
Le Kinétographe
Incessamment aura lieu, au Moulin-Rouge, l'exhibition de cette merveilleuse découverte qui fait actuellement courir tout Paris. M. Mutel a pu obtenir, à prix d'or, un des extraordinaires appareils, que fera fonctionner le professeur Leborgne. Le Havre sera ainsi l'un des premières villes de province où l'on pourra voir ces si curieuses scènes de photographies animées, en grandeur naturelle.
La Cloche illustrée, Le Havre, 25 avril 1896, p. 3.
Peu après Le Moulin Rouge de F. Mutel inaugure les séances du kinétographe :
Moulin Rouge. Le Kinétographe.- Nous avons eu hier soir au Moulin Rouge la primeur de ces ingénieuses photographies animées qui obtiennent en ce moment un si grand succès à Paris. Le mouvement effectué dans une seconde est noté par 60 clichés différents. M. F. Mutel, le très actif directeur des Folies-Bergère, n'a pas laissé échapper une occasion si heureuse d'offrir au public havrais une nouveauté pareille. On a suivi. avec le plus vif intérêt et souligné de chaleureux bravos ce défilé de tableautins animés qui reproduisent avec une fidélité absolue, dans tous les plus petits détails, "La danse d'une Loïe Fuller", "Lutte d'un homme et d'un chien", "Exercices d'un acrobate", "Un duel", "Rue de Paris", etc. Les amateurs de réalisme s'en donnent à cœur joie et avec eux tous ceux qu'intéressent les applications les plus nouvelles et les plus curieuses de la science. Le mot est un peu bizarre, mais la chose ne peut tarder à devenir très populaire parmi le public avide d'inédits et d'attractions originales.
Le Havre, Le Havre, 28 avril 1896.
Dans un autre journal local, un nouveau compte rendu permet de compléter les informations relatives au kinetographe:
Le Kinétographe
L'une des dernières et des plus étonnantes applications de la photographie instantanée, le kinetographe obtient en ce moment à Paris un succès considérable. L'un de ces merveilleux instruments est en ce moment au Havre, et nous avons assisté lundi soir au Moulin-Rouge à une séance intime, dans laquelle le professeur Lebargne a fait défiler sur l'écran une série de vues animées d'un saisissant effet.
Ce sont bien vraiment et littéralement des "tranches de vie" qui ont été présentées aux spectateurs.
Nous avons vu entre autres; un acrobate aux anneaux exécutant des rétablissements et des torsions de bras, un autre faisant des sauts périlleux, des danseuses, notamment Loïe Fuller esquissant des pas très caractéristiques, un homme jouant avec un énorme chien, etc., tout cela vit, marche, court, danse. C'est merveilleux. L'une des plus jolies scènes reproduites est un duel Louis XV.
Dans une clairière on voit les adversaires, les témoins, puis le signal, la fumée du pistolet qui part, l'un des combattants qui chancelle et tombe, les témoins qui se précipitent, etc.
La plus curieuse au point de vue du mouvement est une vue d'un coin de boulevard à Paris. Les fiacres, les omnibus, les piétons s'entrecroisent dans tous les sens. C'est en un mot la vie, non plus la vie surprise et figée en une image. C'est la vie vivante, si l'on peut s'exprimer ainsi.
Les expériences publiques vont avoir lieu à partir de ce soir, au Moulin-Rouge, et ne peuvent manquer de provoquer une énorme curiosité.
Le prix d'entrée est fixé à 1fr.
L'Indépendance havraise, Le Havre, mercredi 29 avril 1896, p. 3.
Le Cinographoscope (Casino Frascati, 6 juin-2 août 1896)
En juin, un cinographoscope, appareil conçu par les frères Pipon, s'installe au Casino Frascati:
Le Cinographoscope au casino Frascati.- Un intéressant spectacle était offert samedi aux habitués du casino, à l'angle nord-ouest de la terrasse. C'étaient des espèces de tableaux vivants spectroscopiques. Nous ne voudrions pas dévoiler le truc, mais il faut constater l'effet. Qu'on se figure une scène des Holden projetée, comme le fait la Société d'enseignement par l'aspect, sur un bel écran. L'illusion de l'animation, symptôme de la vie, est presque complète. Parmi les tableaux : "La Seine à Paris" avec ses bateaux-mouches en circulation ; "Un bébé jouant avec deux chiens" ; "Un train arrivant dans une gare" ; etc. C'est fort joli, quand on n'entend pas le petit bruit de la vieille qui tourne la mécanique. En tous cas, cela mérite d'être vu, par curiosité. Sur son nom gréco-latino-grec nous espérions quelque chose de plus scientifique, de plus progressif au point de vue de l'optique et de la photographie.
Le Journal du Havre, Le Havre, 7-8 juin 1896.
Dans un journal illustré de la même époque, on évoque la vue de l'arrivée du train:
L'arrivée du train se précipitant en face de vous avec son grossissement rapide, son arrêt, les portières qui s'ouvrent, les voyageurs qui descendent et se hâtent vers la sortie de la gare, le train qui se remet en route, les portières ayant été fermées, c'est absolument réel. On s'étonne de ne pas entendre le grondement, le sifflet, le bruit des voix, le grincement des roues flottant sur les freins, et cela donne une apparence presque fantastique, une apparence étrange de vie morte où le mouvement seul existe, où le bruit est aboli.
La Cloche Illustrée, 27 juin 1896.
Répertoire (autres titres): Arrivée de course cycliste, Partie de cartes, Arrivée du gagnant du grand prix de Longchamp (Le Havre, 3 juillet 1896).
Le Cinématographe Lumière (Café Tortoni, 2 juillet-23 août 1896)
Le cinématographe Lumière s'installe au café Tortoni au début du mois de juillet:
Société havraise de photographie.- Plus de 300 sociétaires et au moins autant d'invités ont pu admirer, hier soir, les belles épreuves animées de MM. Lumière [...]. Trois représentations successives [...]. ''Le rapide de Cologne", qui se montre dans le lointain et bientôt arrive avec une vitesse vertigineuse sur les spectateurs qui distinctement sentent le besoin de se garer. "Une baignade en mer", montrant le flot qui s'avance et au milieu duquel de nombreux baigneurs se précipitent ; "Le jardinier" qui arrose et dont la mésaventure excite le rire des spectateurs. "Une fillette", représentée en grandeur naturelle, dîne en plein air à côté de ses parents : rien de plus curieux que ces petites mines de l'enfant heureux, savourant avec toutes les grâces de son âge, les friandises que son père lui offre et rabauant de ses petites mains sa bavette soulevée par le vent. Transportés à Lyon, les spectateurs voient aussi "Les ouvriers et les ouvrières de MM. Lumière, sortant de leurs ateliers", à midi, les filles se garant des voitures et des bicyclettes, courant isolées ou par groupes, toutes joyeuses de se sentir pour un temps rendues au gai bavardage et à la liberté. Enfin d'autres tableaux sont tous d'heureuse composition et d'une exécution parfaite. Cela fait pressentir tout les succès qui attend au Havre cette huitième merveille : le cinématographe que tous les Havrais iront visiter au café Tortoni où les habiles représentants de la maison Lumière ont obtenu de si beaux résultats.
Le Journal du. Havre, Le Havre, 2 juillet 1896.
Des annonces similaires sont publiées par la suite:
Grand café Tortoni.-Tous les soirs, de 6 à 7 heures, à l'apéritif et de 8 h à 11 h. 1/4, grand concert symphonique par la Société le Sextuor.
A ce même café, dans la salle de billards, entrée spéciale, 22, rue Racine, tous les soirs, de 1 heure à 7 heures et de 8 heures 1/2 à minuit: Le vrai Cinématographe, (photographies animées), des frères Lumière. Prix d'entrée: 50 céntimes.
Le Travailleur normand, Rouen, dimanche 5 juillet 1896, p. 2.
Les séances sont annoncées jusqu'au 23 août 1896:
Grand café Tortoni.-De 11 h. à midi, le soir, de 6 à 7 h. et de 8 à 11 h. 1/4, concert symphonique par la Société le Sextuor.
Voir le Cinématographe, prix d'entrée: 50 centimes.
Le Travailleur normand, Rouen, dimanche 23 août 1896, p. 2.
Le Chronophotographe Demenÿ (Hôtel de Ville, 15 novembre 1896)
La Société havraise de photographie installe un chronophotographe Demenÿ à l'Hôtel de Ville:
Société havraise de photographie. Séance à l'hôtel de ville.- [...] M. Gaumont, malgré les difficultés d'une installation faite à la hâte, pour un appareil demandant beaucoup de stabilité, nous présente tout d'abord une description du chronophotographe qui diffère par certains détails techniques du cinématographe Lumière, que tous les Havrais ont vu cet été. En présence des résultats constatés, on se demande si l'appareil est encore susceptible de perfectionnements : les premiers plans surtout sont d'une netteté que nous ne connaissions pas encore. ''Le bain des Soudanais au Champ-de-Mars". ''Le départ d'un transatlantique havrais". "L'arrivée d'un train", son stationnement et sa mise en marche [...]. Plusieurs Vues animées de la capitale, dont une projetée intentionnellement à rebours, provoquent de véritables explosions de rire ; on voit des cyclistes pédalant pour aller en sens inverse, des voitures défiler avec chevaux derrière, des ouvriers se rendant gravement à leur travail, à reculons, sans qu'il y ait ni écrasé, ni chute. "La Loïe Fullet", photographie coloriée, imitant le naturel à s'y méprendre.
Le Journal du Havre, Le Havre, 15-16 novembre 1896.
1897
Le Théâtre Électrique Grenier (Place Thiers, [29] septembre-[27] octobre 1897)
Le forain Ernest Grenier arrive avec son Théâtre Électrique Grenier au Havre à l'occasion de la Saint-Michel qui commence le 29 septembre et s'achève vingt-huit jours plus tard. Il dispose d'un chronophotographe Gaumont qu'il va proposer pendant la durée de la foire. Dès le 18 septembre, la Revue comique normande annonce l'arrivée de Grenier :
THÉÂTRE ÉLECTRIQUE GRENIER
Inutile de vous assurer sur la vie avant de pénétrer dans le Chronophotographe, ce théâtre électrique est établi dans les conditions de sécurité les plus absolues.
Une série charmante - que dis-je ; une - plusieurs séries plus attrayantes les unes que les autres de photographies animées montrent au public émerveillé des scènes typiques et comiques ; à signaler parmi ces dernières : la leçon d'équitation et la leçon de bicyclette, qui soulèvent les rires de chacun. De nombreux tableaux dont l'énumération trop longue nous fait regretter le peu de place qui nous est alloué, défilent sur l'écran aux applaudissements des visiteurs.
Signalons néanmoins deux intéressants tableaux : La danse Loïe Fuller et le ballet de l'Olympia, qui sont le dernier cri du merveilleux.
Revue comique normande, Le Havre, 18 septembre 1897, p. 7
Par la suite, la presse reste très discrète et ne publie que de rares articles comme celui-ci :
Le chronophotographe Grenier.-Adressons nos félicitations à M. Grenier pour la composition de son intéressant spectacle. Nous engageons vivement tout le monde à aller visiter cette superbe loge dont les photographies animées sont d'une illusion parfaite.
L'Avenir du Havre, Le Havre, 9 octobre 1897.
Les Projections animées (Cours de la République/Place Danton, 1er octobre 1897)
Pendant la foire, des projections animées ont lieu au théâtre Gransart-Courtois:
On peut voir défiler les principales scènes du Voyage de Monsieur Félix Faure en Russie. L'attraction se termine par une pantomime lumineuse : L'auberge fantastique.
Le Journal du Havre, Le Havre, 1er octobre 1897.
1898
Le Grand Théâtre électrique (Foire, [29/09/1898-[27]/octobre 1898)
Le forain Ernest Grenier revient-il au Havre pour la foire de la Saint-Michel ou bien s'agit-il d'un autre forain ? :
Grand Théâtre électrique
Les expériences tant scientifiques qu'amusantes sont très suivies par un public toujours renouvelé. L'intérêt des séances de cet élégant théâtre sont un sûr garant de succès.
Revue comique normande, Le Havre, 8 octobre 1898, p. 7.
1900
Le Théâtre électrique Grenier (Foire, [29] septembre-[27] octobre 1900)
Le forain Ernest Grenier est de retour pour la Saint-Michel. Il présente son cinématographe dans le Théâtre électrique :
Théâtre électrique Grenier
qui voit son succès de l'an dernier s'accentuer.
Le cinématographe est à l'ordre du jour et M. Grenier, pour augmenter l'intérêt, nous donne entr'autres une reproduction du banquet des Maires en nous faisant assister à leur défilé.
Revue comique normande, Le Havre, 6 octobre 1900, p. 6.
Le Cinématographe Lumière (Foire, [29] septembre-[27] octobre 1900)
Pour la foire de Saint-Michel, un cinématographe Lumière présente des vues animées :
Cinématographe Lumière
Nous donne entr'autres le voyage de Félix Faure en Russie, ce qui n'est pas pour déplaire aux Havrais qui ont ainsi présents les traits du regretté Président.
Revue comique normande, Le Havre, 6 octobre 1900, p. 6.
Le voyage de Félix Faure date de 1897, autant dire qu'il n'est pas de la dernière actualité.
The Royal Bioscope (Foire, [29] septembre-[27] octobre 1900)
The Royal Bioscope propose un spectacle qui combine les photographies animées et un spectacle de variétés :
The Royal Bioscope
présente une série de photographies animées et pour ajouter à l'attrait de ce spectacle, nous offre le travail de la femme volante Miss Beauty, qui porte dignement son nom.
Revue comique normande, Le Havre, 6 octobre 1900, p. 6.
1901
Le cinématographe du Théâtre Grenier (<13> octobre 1901)
À l'occasion de la foire de la Saint-Michel, deux cinématographes proposent des vues animées dont le théâtre Grenier :
A LA FOIRE
La foire agonise, écrivions-nous récemment.
C'est facile à justifier.
A part les cinématographes du théâtre Grenier et de l'Artistic-Salon et la ménagerie bien connue de Pezon, il n'y a rien à citer.
Les salons mystérieux et autres baraques foraines analogues semblent également avoir perdu leur vogue d'autrefois. Les Havrais décidément délaissent de plus en plus les spectacles vulgaires et nous voulons espérer qu'à brève échéance, on les verra tous épris de grand art.
En attendant, le théâtre Flavigny, une vieille connaissance celui-là , est en train de sauver à la foire de Havre, la vieille réputation de la comédie d'autan. Voilà un genre qui vivre plus longtemps que les spectacles cinématographiques !
Le Travailleur normand, Rouen, 13 octobre 1901, p. 3.
Le cinématographe de l'Artistic-Salon (<13> octobre 1901)
À l'occasion de la foire de la Saint-Michel, deux cinématographes proposent des vues animées dont le théâtre Grenier :
A LA FOIRE
La foire agonise, écrivions-nous récemment.
C'est facile à justifier.
A part les cinématographes du théâtre Grenier et de l'Artistic-Salon et la ménagerie bien connue de Pezon, il n'y a rien à citer.
Les salons mystérieux et autres baraques foraines analogues semblent également avoir perdu leur vogue d'autrefois. Les Havrais décidément délaissent de plus en plus les spectacles vulgaires et nous voulons espérer qu'à brève échéance, on les verra tous épris de grand art.
En attendant, le théâtre Flavigny, une vieille connaissance celui-là , est en train de sauver à la foire de Havre, la vieille réputation de la comédie d'autan. Voilà un genre qui vivre plus longtemps que les spectacles cinématographiques !
Le Travailleur normand, Rouen, 13 octobre 1901, p. 3.
1905
Le Cinématographe automobile (4 août 1905)
Une voiture de la société " le Cinématographe automobile ", une entreprise originale d'Alfred Bréard accompagne le Concours de Véhicules Industriels, organisé par l'Automobile Club de France du 28 juillet au 8 août 1905, qui conduit les voitures de Paris à Compiègne, puis à Amiens, Dieppe, Le Havre et retour à Paris. Cet événement croise la route de la Grande Semaine Maritime Française qui se déroule, précisément au Havre :
La Grande Semaine Maritime.
[...]
Pour l'instant soyons moins graves : ce soir bal, demain banquet - c'est le sixième, - puis concert et, réjouissance suprême, cinématographe automobile.
Ce cinématographe suit, paraît-il les concurrents depuis le départ de Paris, et partout où il s'arrête son imprésario procède à une lucrative séance. Il fait partie de la troupe.
Frantz Reichel.
Le Figaro, Paris, 4 août 1905, p. 3.
Une autre coupure de presse nous offre quelques informations complémentaires :
FÊTES AU HAVRE
GRANDE SEMAINE NAUTIQUE
[...]
Toute la journée du lendemain, une foule nombreuse ne cessa de circuler sous les Halles dans l'intéressant exposition des véhicules. L'après-midi, vers cinq heures, eut lieu le concert par la musique de la Douane et la distribution des prix. Le soir le cinématographe automobile divertit grandement la nombreuse assistance qui se pressait devant l'estrade où tour à tout jouèrent la "Fanfare Gravillaise" et la "Dampierre".
G.-D. QUOIST.
La Revue comique normande, 6 août 1905, p. 2.
Le Cinématographe revient ensuite à Paris.